« Valeurs actuelles », François Bellamy et Eric Zemmour :

à propos d’une homélie de l’abbé Philippe Toulza

Le 16 août 2021, Médias-Presse-Info a mis en ligne l’extrait d’une homélie que j’avais donnée un dimanche à Saint-Nicolas-du-Chardonnet. De nombreuses réactions me sont parvenues, directement et indirectement, car dans cette homélie j’ai mis en garde contre le magazine « Valeurs actuelles ». Je remercie le site medias-presse.info de publier le message suivant, qui me permet notamment de répondre à des questions posées.

Ce morceau d’homélie faisait le parallèle entre les faux prophètes (expression évangélique) et les chevaux de Troie, d’une part, et des publications et des personnes politiques de confession catholique, comme « Valeurs actuelles » et M. Bellamy, d’autre part. Le parallèle était justifié.

« Valeurs actuelles », d’abord : cette publication, c’est vrai, a le mérite de dénoncer, avec un courage qui exaspère la dictature intellectuelle des puissances médiatiques et culturelles pourrissant notre pays depuis des lustres, le laxisme de la justice, l’immigration débridée, l’islamisation de la France, l’antiracisme primaire, le progressisme, le féminisme, l’antimilitarisme et finalement la Pensée unique. Ce magazine a aussi le mérite de montrer du doigt des Soros, Taubira et Mélanchon. Depuis une vingtaine d’années, enfin, « Valeurs actuelles »  s’affiche davantage catholique, vante sainte Jeanne d’Arc, soutient Matteo Salvini, souligne l’action anti-89 de Philippe de Villiers. Soit. Cependant, que ce soit par manque d’adhésion à toute la politique naturelle, et à un catholicisme complet, ou par souci de ratisser un large lectorat, elle accorde également des pages enthousiasmées à des personnes comme Stéphane Bern, Jean-Marie Bigard, Jean-François Copé, Alain Finkielkraut, Michel Houellebecq, Alain Juppé, Marine Le Pen, Nicolas Sarkozy et Laurent Wauquiez. Plus généralement, ce journal véhicule une sorte de conservatisme libéral, souverainiste, à couleur démocrate-chrétienne. Il veut être le magazine « de la droite qui s’assume » ; mais il y a longtemps que l’inanité et la nocivité du clivage gauche-droite ont été établies, ne serait-ce que par Gustave Corçao dans « Le siècle de l’enfer ». « Valeurs actuelles » a décidé de travailler de concert avec Robert Ménard, intrépide patriote, mais pour ce faire est entré en partenariat avec le site Boulevard Voltaire. Il y a mieux comme saint « patron ». Le site de Boulevard Voltaire se sent d’ailleurs forcé d’expliquer pourquoi il se revendique de l’« inflexible adversaire de toutes les Inquisitions » (sic) : « la lutte est toujours la même… contre l’ignorance, l’intolérance, le fanatisme et la sottise ». Voltaire n’est pas de notre paroisse ; d’aucune, d’ailleurs.

Force est donc d’observer que « Valeurs actuelles », malgré ses vrais mérites, se développe hors de la filiation de ce catholicisme fidèle qui, dans l’Eglise et la société, avec les chouans, le cardinal Pie, Louis-Gaston de Ségur, Donoso Cortès, Louis de Bonald, les Cristeros et tant d’autres, a secondé les papes antilibéraux de Pie VI à Pie XII en passant par saint Pie X. Le père Danziec y tient une plume alerte et sacerdotale, mais lorsque franchise lui est donnée de rétablir une saine idée de la liberté, de participer à une solide formation des âmes à une vision naturelle et catholique de l’Eglise, du monde et de la société, hélas, il n’en profite pas, malgré qu’il cite Léon XIII, fossoyeur du libéralisme ! Il brouille plutôt les pistes (1).

Beaucoup de catholiques lisent « Valeurs actuelles », n’ayant parfois, il est vrai, rien trouvé qui lui ressemble comme revue d’actualité. Ils en reçoivent néanmoins la teinte ; cette affirmation n’est pas donnée a priori, mais ressort de quelque expérience. Quand on lirait ce magazine, qui affiche, reconnaissons-le, une belle diffusion, alors qu’on prenne garde à ne pas devenir un catholique libéral. Troie est tombée.

François Bellamy, ensuite : il représente, moins bien, je crois, qu’un Mathieu Bock-Côté, une pensée qui prend ses distances avec la modernité, mais en 2019, la gymnastique de ses paroles pour éviter d’avouer ses convictions sur l’avortement a refroidi la Bellamy-manie. Il y a eu aussi la Fillon-Manie, il existe désormais une Onfray-Manie, parce que nous, Français, peut-être plus que d’autres hommes et par réflexe hérité de l’ancienne monarchie, aimons à incarner dans un être humain nos espoirs de redressement intellectuel et moral. Voici un homme qui se lève, ose quelques vérités, pose quelques gestes audacieux : nous devenons vite ses partisans irréductibles. Bien sûr que cette inclination est humaine ; bien sûr qu’il faut voir le bien où il est et encourager les bonnes volontés ; bien sûr qu’une exigence déconnectée du réel ferait trouver des poils sur une coquille d’oeuf ; bien sûr que la critique est aisée et l’art difficile ; bien sûr qu’un certain pragmatisme est requis à vivre. Mais une chose est d’apprécier les bons côtés d’une personne ou d’une revue, autre chose de défendre l’indéfendable par esprit de parti et de devenir zélateur fervent de figures qui, en réalité, méritent au plus soutien et encouragement.

En ce qui concerne Eric Zemmour, l’écoute de l’homélie sus-dite montre que je n’ai pas vu en lui un cheval de Troie, ni mis en garde contre cet homme politique qui a opéré un revirement spectaculaire par rapport à la « bien-pensance » issue de l’anti-France antichrétienne. Je conçois que les Français qui espèrent que leur pays tourne un jour le dos à la décadence soient soulagés lorsqu’un homme, d’ailleurs sympathique, ayant de l’envergure, dit tout haut ce qu’ils pensent tout bas et semble décidé à joindre les actes aux paroles. Cependant, encore une fois, je l’ai cité afin que l’on ne s’investisse pas dans une Zemmour-manie. Des lecteurs de MPI songeraient à voter pour lui lors de la prochaine élection : pourquoi pas ? Ils sauront pour autant ne pas en faire, dans l’avant-match, un indiscutable Sauveur de la France, à la manière ancienne. La pondération est de mise, déjà parce que le pouvoir politique appelle de bons chefs plus que de bons communicants, ensuite parce que l’homme n’est pas baptisé. On pourra objecter à cette dernière remarque que le presbytérien Donald Trump, l’orthodoxe Vladimir Poutine et le protestant Viktor Orban ont fait ou font une politique plus proche des vrais désirs de l’Eglise que les catholiques Tony Blair, Jacques Chirac, François Hollande, Emmanuel Macron, Justin Trudeau et Joe Biden. Certes ! On votera alors pour ce non-baptisé (que Dieu lui fasse la grâce de la conversion !), mais sans imposer à son entourage ce vote comme un impératif. Et nous pourrons nous souvenir, pour garder notre sens des échelles, qu’il fut un temps où Henri III conjurait à Henri de Navarre de se convertir au catholicisme pour devenir roi, tant le peuple de France n’imaginait pas être gouverné par un monarque qui ne fût pas fils de l’Eglise catholique.

Dernière note : une homélie s’adresse à ceux qui assistent à la messe dans le cadre duquel elle est prononcée. L’internet, en diffusant les homélies de Saint-Nicolas, permet heureusement à un public toujours plus large d’écouter des prédications, parfois dans des pays où la messe traditionnelle n’est pas assurée. Mais cette extension avantageuse n’ôte rien à la destination naturelle du prêche. Le mondialisme ambiant a affecté l’univers des communications, et amène à diffuser les paroles des prêtres dans des contextes qui ne sont plus du tout ceux de la prédication ; alors des extraits peu argumentés surprennent l’auditeur, surtout lorsqu’il n’a pas l’habitude d’entendre celui qui a prêché et de lier ce qu’il dit ce jour-là à ce qu’il enseigne d’habitude. Je n’aurais pas demandé à un site internet d’actualité générale de publier ce morceau d’homélie.

Que le bon Dieu nous garde et nous guide.

Abbé Philippe Toulza (2)

Notes

1 – https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/societe/pere-danziec-nos-libertes-a-lepreuve-du-liberalisme/

2 – Note de la rédaction de MPI : M. l’abbé Philippe TOULZA est le Directeur des Editions CLOVIS et Directeur et secrétaire de rédaction de Fideliter, la revue bimestrielle du District de France de la Fraternité Saint-Pie X. Il dessert la chapelle Jésus, roi de France, 2 rue Gerbert 75015 Paris.

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