Ce jour, 5 novembre 2020, le Conseil d’État a tenu une audience de référé à la demande de Civitas et d’une vingtaine d’autres requérants, afin de contester l’interdiction des cérémonies religieuses dans le contexte de la crise sanitaire. Outre Civitas, étaient représentés la Fraternité Saint Pie X, les Fraternités « ralliées », des abbayes, divers requérants particuliers (prêtres, simples fidèles, un homme politique, Monsieur Poisson…) Plusieurs évêques avaient tenté la même démarche et, chose nouvelle, la conférence épiscopale elle-même avait fait un recours. Un prélat, Mgr l’évêque auxiliaire de Versailles, était même présent. L’Administration était représentée par un fonctionnaire, Madame Léglise (cela ne s’invente pas ! ).

Le président a commencé par rappeler les textes applicables (loi de séparation de 1905, concordat pour l’Alsace Moselle, Déclaration des Droits de l’Homme, Convention européenne des Droits de l’Homme…) et il a souligné que la liberté de culte était une liberté fondamentale reconnue et qu’elle incluait la liberté de participer à des réunions collectives dans les lieux de culte. Il a également énuméré les dispositions contestées du décret de reconfinement d’octobre 2020.

Quelques points particuliers ont été évoqués dès l’abord. Ainsi le décret n’est-il pas très précis sur les mariages, si bien que certains préfets considèrent que le public ne peut être présent qu’aux seuls mariages civils, alors que d’autres estiment que, comme en matière d’obsèques, l’on peut admettre une assistance allant jusqu’à une trentaine de personnes. Par ailleurs il était précisé par la représentante de l’Administration qu’il n’y avait pas de terme indiqué pour les mesures en litige, ce qui signifie qu’elles sont destinées à durer aussi longtemps que l’urgence sanitaire.

Quelques discussions techniques ont eu lieu sur ce qu’il fallait entendre par le « public », puisque les cérémonies doivent se dérouler sans lui. Cette exclusion ne s’applique pas au « personnel » c’est-à-dire aux célébrants et à ceux qui l’ assistent. Sur cette question, un intervenant a fait observer qu’il n’appartenait pas à l’État, en régime de séparation, de déterminer quelles personnel est nécessaire pour l’accomplissement de la liturgie (pan sur le bec des partisans du laïcisme !) De même la limitation des rassemblements à six personnes a alimenté quelques discussions : est-ce applicable dans une cathédrale ou une grande église ?

Certains intervenants ont souligné l’importance des cérémonies dans le cadre de la vie spirituelle des catholiques et même leur rôle pour l’équilibre psychologique de certaines personnes. L’un d’entre eux même fait remarquer avec humour, à propos des moyens de télécommunication utilisés comme substitut, que ceci comportait certaines limites : la télé communion n’existe pas encore !

La discussion a également porté sur les motifs de déplacement visés par les attestations individuelles que chacun doit remplir. Il était observé que le déplacement pour se rendre dans un lieu de culte n’est pas prévus alors que le sport ou la promenade du chien le sont ! La représentante de l’Administration a dit que, les lieux de culte restant ouverts, il était possible de s’y rendre dans le cadre de la promenade (cependant la limite d’un kilomètre subsiste, ainsi que celle d’une heure, et l’on peut être amené à choisir entre la prière et les courses…) La même représentante a suggéré que l’on coche la case « déplacement pour motif familial » mais ceci ne paraît guère approprié, et la réaction des forces de l’ordre est pour le moins incertaine. Un intervenant a également déclaré qu’il y avait eu des verbalisations à l’encontre de personnes qui, subissant une vérification, avaient simplement déclaré qu’elles se rendaient à l’église. A également été évoqué, sans qu’il soit apporté de réponse, le cas des personnes qui se trouvent à plus d’un kilomètre d’une église de leur rite. Il a résulté de la discussion qu’il y a une véritable contradiction à admettre l’ouverture des lieux de culte tout en rendant difficile ou en pénalisant le fait de s’y rendre.

L’auteur du présent compte rendu se rappelle que, lors des déboires judiciaires de l’illustre Monsieur Strauss–Kahn, la justice américaine lui avait imposé une assignation à résidence avec de nombreuses exceptions.. Parmi celles-ci, il était permis à l’intéressé de se rendre dans un lieu de culte ! L’administration française en revanche n’a pas ces égards pour les chrétiens. Il a cependant été observé que le confinement d’octobre, à la différence de celui du printemps, admet de nombreuses exceptions comme les écoles, les manifestations, et même des dérogations comme la chasse au sanglier !

Une autre question essentielle qui a été posée est celle de la proportionnalité des mesures envisagées. Un avocat a fait remarquer que, avant même de se demander si les mesures en cause étaient disproportionnées, il fallait se demander si elles étaient véritablement nécessaires (question que l’on peut se poser au regard de l’efficacité qu’elles ont eue jusqu’ici …).

Par ailleurs il a été rappelé que, suivant l’expression du commissaire du gouvernement Corneille au du début du XXe siècle, la liberté est la règle et la restriction de police l’exception. Dès lors qu’elle envisage de restreindre les libertés publiques, l’Administration doit prouver le bien-fondé de son action. Or, comme un intervenant l’a fait remarquer, tel n’est pas le cas. L’Administration a fait valoir la contagion qui aurait résulté d’un rassemblement évangélique au mois de février 2020. Cependant cet argument a déjà été écarté par le Conseil d’État dans sa précédente ordonnance du 18 mars, cet événement ayant eu lieu « à une date à laquelle n’étaient appliquées ni même recommandées de règles de sécurité particulières en matière de contamination par le corona virus. » En dehors de cela, l’Administration n’a fait état d’aucun foyer (« cluster » en franglais) venant d’une église. Dans son mémoire, le ministre, tenant compte de cette absence de foyers de contamination, parler de « contaminations diffuses », ce qui lui a valu, de la part d’un intervenant, le reproche d’avancer des « arguments diffus ».

Plusieurs avocats ont attiré l’attention sur un avis important du Comité Scientifique du 22 septembre 2020 qui a déclaré que « les églises n’étaient pas retrouvées parmi les lieux à risque d’infection. » Malgré cela le gouvernement, n’en tenant pas compte, a décidé d’empêcher le culte.

Le représentant d’une association tout récemment constituée pour demander la reprise de la messe en public a fait valoir que des milliers de personnes avaient, sur sa suggestion, signé une pétition et que ces milliers de personnes étaient, en quelque sorte, moralement demanderesses.

Le président a montré quelque étonnement en apprenant que l’Administration n’avait pas pris contact ni prévu d’en prendre avec les responsables du culte pour mesurer le bien-fondé de son action, alors que de tels contacts sont décidés avec les commerçants, les restaurateurs, les sportifs…

L’ordonnance devrait être rendue avant la fin de la semaine. Il est souhaitable que le Conseil d’État autorise de nouveau le culte public dans les édifices du culte et, du point de vue du protocole sanitaire, qu’il enjoigne au gouvernement d’adapter sa réglementation, ne serait-ce qu’en ce qui concerne les autorisations et attestations de déplacement dérogatoires.

François Marceron

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