De la légitimité du pouvoir

Dans un monde où le droit inaliénable de communier avec Dieu est piété, où les églises sont entourées par les gendarmes car elles ont osé se soumettre à la loi de Dieu et non pas à la loi des hommes[1], où la dictature communiste de l’URSS règne en maître absolu, rappeler les critères qui rendent un pouvoir légitime s’avère nécessaire.

La question de la légitimité du pouvoir ne saurait être distinguée, stricto sensu, de la notion du bien commun.[2] Plus précisément, un gouvernement devient légitime s’il cherche à satisfaire les exigences du bien commun de son peuple.[3] La philosophie politique chrétienne exprimée par Saint Thomas d’Aquin développe cette notion de bonum comune en affirmant que le prince doit gouverner son royaume comme Dieu gouverne l’Univers tout en tenant compte de la finalité de la nature humaine[4] : « La fin de la multitude est de vivre en vue du bonheur éternel et il appartient au roi d’ordonner la vie du peuple en vue de cette béatitude »[5]. Il faut en outre que ce chef soi catholique pour accomplir efficacement cette mission.  Le principe de légitimité réside ainsi dans le fait que le prince doit donner priorité absolue aux principes transcendants et immuables qui, à la fois, devraient dominer son comportement. La légitimité serait ainsi la réaffirmation prioritaire de l’idée selon laquelle: « un Prince guidé par un principe, un principe incarné dans un Prince »[6].

Si bien cette théorie de la légitimité basée sur la relation intrinsèque entre le souverain et le principe qu’il doit incarner semblerait à première vue abstraite, l’histoire seule s’est chargée de nous montrer le contraire, à savoir que la figure la plus accomplie de la légitimité fut la Monarchie Française qui imposa au Prince cette soi-disant qualité abstraite qui devint avec le temps un témoignage, un vécu.

Pourtant assimiler le principe de légitimité à la monarchie sans connaître sa vraie nature serait ne pas lui rendre la place qu’elle eut dans l’histoire et dans le cœur des hommes. Pour autant, on verra de façon continue la façon dans laquelle cette relation légitimité-monarchie s’est forgée au fil des quatorze siècles et quelle en est l’origine.

Baptême de Clovis et le bien commun

« À la fin du Ve siècle, une force, une nation naissait au baptistère de Reims ». Ce sont les mots que le baron Pinoteau utilisa pour décrire l’importance du baptême de Clovis. D’un point de vue historique, à partit du IV° siècle, l’Empire Romain connut une décadence non seulement morale (car elle y a toujours régné), mais aussi politique. Les empereurs se massacraient mutuellement et la Gaule romaine se trouvait sans maître à la merci du premier envahisseur.[7] C’est dans ce contexte « qu’un jeune souverain venait de monter sur le trône pour écraser son rival »[8], un jeune roi qui allait sceller à jamais le destin de la France avec Dieu. Même si la critique moderne a essayé de déformer et d’écarter le texte sur la vie de Clovis du premier historien de la France, saint Grégoire de Tours, la vérité historique a triomphé en nous permettant de mieux comprendre le passage opéré par la Gaule du V° siècle « de l’obscur paganisme à l’apaisante lumière de la foi »[9].

Selon l’Histoire des Francs écrite par Saint Grégoire, Clovis en tant que païen refusait toujours d’embrasser la religion catholique de sa femme, sainte Clotilde, jusqu’au moment de la guerre contre les Alamans où l’armée du Roi des Francs fut sur le point d’être exterminée.[10] C’est à ce moment que Clovis s’adressa au Dieu de sa femme et promit de se convertir s’il obtenait la victoire. Non seulement, il sortit victorieux, mais les Alamans qui survécurent jurèrent leur fidélité à Clovis, tout comme son propre peuple qui s’écria : « Les dieux mortels nous les rejetons pieux Roi, et c’est le Dieu immortel que prêche saint Remi que nous sommes prêts à suivre »[11]. Sans aucun doute « la conversion de Clovis fut-elle le fruit du vœu sur le champ de bataille qui arracha le Roi au paganisme »[12]. Cet épisode fut suivi par le baptême du Clovis administré par saint Remi qui au moment de cette cérémonie interpella le roi par ces célèbres paroles : « Depone colle sigamber »[13]. (Dépose tes colliers, amulettes et autres marques de l’appartenance au paganisme). Nous devons percevoir dans cette expression le renoncement à Satan et l’embrassement de Dieu, de la foi catholique.

Le baptême de Clovis donna ainsi naissance au premier État barbare catholique fondé sur les ruines de l’Empire Romain et fit de la France la fille aînée de l’Église et de ses souverains les Rois très Chrétiens.[14] C’est dans ce pacte que naquit l’alliance de l’autel et le trône, c’est dans ce pacte que cette race royale, comme la nommait saint Remi, fut consacrée au Seigneur et avec elle tous les Français. C’est toujours ce pacte qui poussa Hincmar, l’archevêque de Reims des temps de carolingiens, à affirmer que les circonstances exceptionnelles du baptême de Clovis renforcèrent l’idée de l’origine divine du pouvoir et des desseins particuliers de Dieu sur la France » [15]Et c’est toujours à travers ce pacte que ce Rex Francorum commença à incarner ces principes transcendants pour le bien commun entendu comme bonheur éternel.

Le sacre et le bien commun

La conséquence naturelle du baptême de Clovis fut le sacre des rois[16] qui renforça encore plus la théorie de la légitimité de la royauté.

En 751 Pépin le Bref se fit élire roi à Soisson par une assemblée de grands du royaume et jugea opportun d’introduire une légitimité nouvelle qu’il trouva auprès de l’Église et dont les origines se trouvent dans la lignée des rois de l’Ancien Testament. À travers ce sacre, « il devient fils de Dieu comme le roi David et acquiert ainsi quelque chose de la nature divine »[17]. Cette action spirituelle du roi a des conséquences sur le plan juridique et politique car « le roi doit se mettre au service d’un bien qui transcende les utilités personnelles et qui est le bien total du royaume »[18]. Pour autant, la volonté du prince doit être la même que celle de sa fonction royale : « le Roi s’efface devant le bien commun d’un peuple, qui s’efface lui-même devant une mission »[19]. Rappelons-nous à cet égard la théorie philosophique avant mentionnée selon laquelle le pouvoir d’un prince est légitime s’il efface sa propre personne pour agir dans l’intérêt de son peuple. Sans doute, peut-on affirmer que c’est à travers le sacre des rois que se renforce cette idée de légitimité.

Non seulement, le sacre devient ainsi une religion royale selon l’expression de Jean Golein, mais il cimente à jamais l’union entre l’autel et le trône qui devient sacrée ne vertu de son origine. À cet égard, Mgr Delassus écrit que le sacre des rois représente non seulement « l’attestation de l’origine divine de l’autorité politique car tout pouvoir vient de Dieu, mais aussi elle revêt le légitime héritier d’un pouvoir qui n’est autre que le lieutenant de Jésus-Christ dans le royaume de France »[20].

Cette dernière idée selon laquelle Jésus-Christ est le roi de France et que le monarque n’est que son lieutenant a été renforcée par sainte Jeanne d’Arc à travers la triple donation qu’elle fit devant notaire.

L’acte notarial de sainte Jeanne d’Arc et le bien commun

Conduisant le dauphin à Reims, Jeanne lui demande devant notaire de lui faire don de son palais et de son royaume : « Notaire ! Écrivez, dit la Pucelle inspirée : le 21 juin à 4h du soir, l’an de Jésus-Christ de 1429, le roi Charles VII donne son royaume à Jeanne. Écrivez encore : Jeanne donne à son tour la France à Jésus-Christ. Nos Seigneurs, dit-elle d’une voix forte, à présent c’est Jésus-Christ qui parle : Moi, Seigneur éternel, je la donne à Charles VII »[21]. Cette émouvante triple donation devant notaire nous rappelle que c’est le Christ le Roi de France et le bien commun de son peuple doit correspondre aux divines volontés du Roi du Ciel.

Que l’on veuille reconnaître ou non, la fonction royale est intimement liée à la réalisation du bien commun. Ceci résulte non pas seulement de notre analyse, mais aussi du second verset du sacre : le roi promet à son peuple le gouverner selon les règles de la morale chrétienne, à savoir paix, justice, miséricorde, mais pour y arriver, il doit d’abord façonner son comportement en imitant les vertus du Christ.[22] En fait, le sacre « parce qu’il fait du roi un médiateur entre le Christ et ses sujets, limite ses pouvoirs à ce qui est nécessaire pour le bien commun. Pour autant, il est juridiquement anti-absolutiste ».[23] Ce sont précisément ces deux aspects, spirituels et juridiques, qui rendent la Monarchie Française légitime si on tient compte du principe de légitimité mentionné en début de cette analyse.

Règles politiques qui  découlent de cette légitimité 

Le sacre engendre des conséquences politiques qui se traduisent par quelques principes simples de gouvernement : protéger l’Église dans sa fonction, lutter contre l’hérésie, proscrire la polygamie et l’avortement, protéger la famille, défendre le patrimoine familial, défendre la transmission héréditaire des honneurs et des biens et assurer la sécurité intérieure et extérieure de son pays.[24]  

Révolution Française et légitimité de la royauté

« Le but de la Révolution est de détruire de fond l’édifice du Christianisme et de reconstruire sur ses ruines l’ordre social du paganisme » dirait Pie IX et pour y arriver le défenseur de l’Église, le trône, devait être mis bas. C’est ce qui arrive à travers l’assassinat du Roi : « le roi Louis XVI a été assassiné car il était le roi oint à Reims ». C’est précisément le sacre des rois qui était visé par les révolutionnaires en vertu de son objectif : l’union sacrée entre l’autel et le trône. Pour pouvoir construire « l’ordre social du paganisme », ils devaient chasser le baptême de Clovis qui marqua la victoire du catholicisme sur le monde païen ainsi que sa continuation naturelle – le sacre – qui renforça l’idée de protection de l’Église à travers notamment les luttes contre l’invasion musulmane en Europe, les croisades de saint Bernard ou les luttes contre l’hérésie satanique du protestantisme. L’oraison du sacre au moment où l’archevêque de Reims ceint le Roi avec le glaive est claire : « Sire, prenez cette épée qui vous est donnée avec la bénédiction de Dieu, par lequel en la vertu du Saint Esprit, résister et repousser  tous vos ennemis et tous les adversaires de la Sainte Église Catholique… »[25]

Deux cent ans après nous pouvons comprendre et analyser les conséquences de cette rupture entre la Maison de Bourbon et l’Église qui fut consommée le 21 janvier 1793. L’assassinat du lieutenant de Dieu engendra des conséquences irréparables pour l’humanité tout entière : la destruction de la famille, la légalisation de l’avortement, la légalisation de la prostitution à travers le mariage civil et, dernièrement, l’installation d’une véritable dictature communiste à travers la soi-disant crise sanitaire.

 On peut conclure que cette union entre l’autel et le trône qui puise sa légitimité non seulement dans son objectif transcendant de bien commun, mais aussi dans son origine divine implique l’idée selon laquelle un vrai catholique devrait être fidèle à l’union voulue par Dieu. Rappelons-nous qu’au nom de cette union,  perdirent la vie 112 enfants vendéens à Luc-sur-Boulogne, au nom de cette même union des milliers des vendéens dont la devise était Pour Dieu et Le Roi sacrifièrent leur vie. Au nom de cette union, le roi Louis XVI accepta le martyr. Rester fidèle à cette tradition, à ce principe, implique de se réjouir des splendeurs spirituelles qui en découlent et qui représentent la principale caractéristique des nations européennes. Henri V, comte de Chambord, avait conservait cette fidélité et la résumait dans ces mots : « ma personne n’est rien, mon principe est tout »[26].

Catherine de Torquemada

Notes de bas de pages

[1] Je pense notamment au cas de l’Église Saint-Nicolas-du Chardonnet à Paris

[2] Yves-Marie Adeline, L ’Aube Royale, Études sur la Légitimité du pouvoir, Éd. S.I.C.R.E., 1991, p.

[3] Ídem.

[4] De regno ad regem Cypri, Éd. Dondaine, 1979, p. 449-471.

[5] Ídem.

[6] Hugues de Soyecourt, Légitimité et autorité, dans la revue Légitimiste, 1997, no. 152, 3

[7] Francis Dallais, Clovis ou le combat de gloire, Éd. PSR, 1996, p.30.

[8] Idem., p. 63.

[9] Idem., p. 81.

[10] Idem.

[11] Idem.

[12] Léon Levillain, La conversion et le baptême de Clovis, Revue d’Histoire de l’Église de France, tome XXI, 1935, p. 192.

[13] Francis Dallais, Op. cit., p. 112.

[14] Hervé Pinoteau, la Symbolique Royale Française V-XVIIIe siècles, Éd. Presse Sainte Radegonde, 2003, p. 20.

[15] Francis Dallais, Le Sacré- Coeur et les Bourbons dans la revue Continuité Pour la France & le Roi:Dieu Premier Servi,

[16] Hervé Pinoteau, Op. cit., p.77.

[17] Idem.

[18] Jean Barbey, Le Sacre Royal dans la revue Dieu Premier Servi, 1988, p. 31.

[19] Jean Devisse, Les antécédents mérovingiens et wisigothes des sacres français,

[20] Mgr. Henri Delassus, La conjuration Antichrétienne, Éd. de Brauer et Cia, 1910.

[21] Bernard Tissier de Mallerais, La misión toujours actuelle de Sainte Jeanne d’Arc, Conférence à Thouars, 1990 publiée dans la revue Continuité pour la France et le Roi : Dieu Premier Servi, 1990, No.6/7, p. 4.

[22] Jean Barbey, Le Sacre royal dans la revue Dieu Premier Servi, No. 13, 1988,  p. 35.

[23] Idem.

[24] Hervé Pinoteau, Op. cit.

[25] Idem.

[26] Henri d’Artois, Comte de Chambord, cité dans la revue Continuité pour Dieu et le Roi : Dieu Premier Servi, no. 7, 1990, p. 9.

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