Et adorabunt eum omnes reges terræ; Omnes gentes servient ei.

Et tous les rois de la terre l’adoreront ; toutes les nations le serviront [Ps 71, 11]

Loué soit Jésus-Christ

Ce jour solennel est sanctifié par trois miracles : l’adoration des Mages, la transformation de l’eau en vin aux noces de Cana et le Baptême du Christ dans le Jourdain. Ces signes prodigieux nous montrent la divinité de Notre Seigneur et Sa Seigneurie universelle sur le cosmos, sur la nature et sur nous. Ce ne sont plus seulement les bergers qui sont appelés par les Anges à reconnaître le Verbum caro factum, mais c’est tout le genre humain, c’est toute la création que la voix de Dieu lui-même appelle à L’adorer, à L’écouter, à Lui obéir. Une Seigneurie que certains reconnaissent avec une foi humble et que d’autres rejettent par orgueil.

Dans le Martyrologe de la veille de Noël, nous avons entendu chanter l’annonce de la Naissance du Sauveur secundum carnem, placée dans l’Histoire avec une multiplicité de références chronologiques précises et détaillées. Ce Toto orbe in pace composito que le chantre prononce solennellement peu avant d’élever le ton de sa voix pour marquer la réalité historique de l’événement salvifique de la Naissance du Christ, renvoie au triple triomphe d’Auguste, auteur et pacificateur de l’Empire. Un triomphe humain et païen, certes ; mais qui devait préparer le triomphe éternel du Rex pacificus, de l’Empereur immortel, du Soleil invaincu. Pour cette raison, le 6 janvier, jour férié civil établi pour célébrer la gloire humaine de Rome, a été choisi par l’Église pour célébrer la gloire éternelle du Christ, Roi des rois et Seigneur des seigneurs.

En cette époque d’apostasie, marquée par des guerres et des lacérations causées par la rébellion contre Dieu, il est difficile de comprendre comment l’autorité terrestre de l’Empereur a pu constituer dans le plan de la Providence la condition préalable et nécessaire à la venue du Seigneur. La réponse féroce et impitoyable d’Hérode, qui dans sa folle tentative de tuer l’Enfant Roi a exterminé les enfants de Bethléem – que nous avons rappelé il y a quelques jours dans la Liturgie – nous semble plus « normale », pour ainsi dire. Vie et mort, paix et guerre, lumière et ténèbres, grâce et damnation : nous avons constamment devant les yeux les deux grandes alternatives pour nous-mêmes, pour nos familles, pour la société civile. Et c’est le Christ qui se dresse comme point de référence, comme pierre d’achoppement, nous demandant de faire notre choix moral, Le reconnaissant comme notre Vie, notre Paix, notre Lumière, notre Tout. Si nous renoncions à faire ce choix, si nous voulions nous déclarer neutres dans cette bataille menée par les armées angéliques contre les puissances infernales, nous ferions quand même un choix dont dépend notre salut et celui du monde entier. Nous le voyons aujourd’hui : celui qui ne descend pas sur le champ de bataille sous les étendards du Christ finit inexorablement par devenir l’allié de ses ennemis, reste à regarder les innocents tués par Hérode, et devant la crèche refuse d’adorer le Seigneur, au nom d’une conception pervertie de la liberté et de la laïcité dans laquelle les droits souverains de Dieu sont niés ou réduits au silence.

Et pourtant, précisément en contemplant les mystères de ce jour très saint, l’Église nous montre la nécessité de l’Épiphanie, de la manifestation de la divinité de Jésus-Christ ; une nécessité pour laquelle la Providence n’hésite pas à déplacer les astres, au point qu’une étoile puisse conduire les savants païens vers la lumière de la Grâce et la conversion au vrai Dieu. En effet, l’adoration simple et fidèle des bergers, faite d’une humble et pauvre intériorité, ne suffisait pas : elle appelle l’acte de foi de chaque individu, de chacun de nous, mais reste inachevée pour le destin du monde si elle ne s’accompagne pas de l’adoration publique et officielle de ceux qui détiennent l’autorité sur la terre, puisque cette autorité est le reflet de l’autorité de Dieu, Législateur suprême et Juge. Comme le prophétise le psaume : Et adorabunt eum omnes reges terræ ; omnes gentes servient ei.

Il est surprenant, en quelque sorte, que ce soient des sages d’Orient qui rendent hommage à l’Enfant-Dieu, alors que les représentants de l’autorité impériale sont absents, tout comme ni le roi d’Israël ni les grands-prêtres n’apparaissent, eux qui ont pourtant joué un rôle décisif dans le jugement et la condamnation à mort du Seigneur. Présents au moment de la mort, mais absents au moment de la vie. Pourquoi ne voyons-nous pas autour de la crèche le Procureur romain, Hérode, Anne et Caïphe, les fonctionnaires du Sanhédrin et les scribes du peuple, comme nous n’y voyons pas aujourd’hui les membres de la Hiérarchie Sacrée, alors que nous contemplons Gaspar, Melchior et Balthasar agenouillés devant l’Enfant avec l’intention d’offrir leurs présents ?

La réponse est évidente dans toute sa simplicité. Les pasteurs adorent le Christ avec l’abandon confiant du simple, qui n’a rien d’autre à offrir que lui-même et les pauvres choses de la vie quotidienne et son humble travail. Les Mages adorent le Christ grâce à sa manifestation prodigieuse dans le cours des étoiles, et leur sagesse humaine, leur capacité à scruter le cosmos les conduisent au Soleil sans couchant parce qu’eux aussi, avec humilité, ont su reconnaître la naissance de Dieu dans le monde. Les uns et les autres ont été illuminés par la Grâce, les premiers par l’annonce de l’Ange, les seconds par les signes du ciel. Au contraire, Hérode et les grands-prêtres, qui pourtant auraient dû très bien connaître les prophéties messianiques gardées par Israël, n’ont pu voir ni croire, parce que leur première préoccupation était le pouvoir. D’une part, le pouvoir temporel, exercé sous la domination de la Rome païenne et oubliant que les Souverains juifs étaient vicaires de l’unique Roi d’Israël, le Seigneur Dieu des armées ; de l’autre, le pouvoir spirituel, exercé dans ce que nous appellerions aujourd’hui « l’auto-référentialité », c’est-à-dire cette attitude qui vise à préserver le pouvoir pour soi-même en maintenant le peuple dans l’ignorance. Ceci est confirmé par les rudes réprimandes et les sévères avertissements des prophètes, par la bouche desquels le Seigneur rappelait à ses prêtres leurs devoirs, alors qu’ils étaient occupés à étirer les dents des fourchettes avec lesquelles ils gardaient pour eux-mêmes une partie de la chair sacrificielle, ou à profiter des trafics des changeurs et des marchands dans le Temple. Sourds à la grâce ! Sourd, Hérode qui aurait dû voir dans le petit Jésus Celui qui ratifiait sa propre autorité ; sourds, les Grands-Prêtres, qui auraient dû reconnaître en Lui le Messie promis, le Désiré de tous les peuples. Les deux, de manière significative, ont préféré se soumettre à l’envahisseur, plutôt que de s’incliner devant Celui qui tient dans Sa main le destin du monde et du temps. Non habemus regem nisi Cæsarem.

La situation actuelle n’est pas très différente de celle d’alors. Aujourd’hui encore, les autorités civiles et ecclésiastiques refusent d’adorer Jésus-Christ, ou ne le font qu’en apparence alors qu’ils trament de Le tuer, de peur de perdre leur pouvoir. Aujourd’hui encore, nous voyons les simples et les dirigeants de Nations lointaines reconnaître le Sauveur et Lui conformer leur vie privée et publique, tandis que les patrons du monde préfèrent se réunir à Davos pour leur programme mondialiste, et les prélats de la secte bergoglienne pensent à cacher leurs scandales, à propager la synodalité et à encourager les vices les plus inavouables. Les uns et les autres se soutiennent mutuellement, reconnaissent la légitimité de l’autre. Ils considèrent t Jésus-Christ comme un obstacle inconfortable à la poursuite de leurs plans de pouvoir et de domination. Pourtant, comme nous le chantons dans l’hymne de l’Épiphanie, non eripit mortalia qui regna dat cœlestia. Celui qui nous donne les royaumes célestes n’enlève pas les royaumes terrestres.

Mais si d’un côté les Mages, avec leur tribut de Foi, ont su adorer publiquement le Roi des rois, n’ayant rien à craindre pour leur propre autorité ; d’autre part, les dirigeants rebelles et indociles envers Dieu, ne reconnaissant pas l’origine divine du pouvoir qu’ils exercent, se placent contre Sa Seigneurie et contre leurs sujets, transformant le sage et juste gouvernement en un instrument de tyrannie haineuse. Voici comment le prophète Jérémie s’exprime contre eux (5, 26-31) :

26Car parmi mon peuple, il y a des gens méchants qui espionnent comme des chasseurs cachés, ils tendent des pièges aux hommes.  27Comme une cage pleine d’oiseaux, leurs maisons sont pleines de tromperie ; c’est pourquoi ils deviennent grands et riches. 28Ils sont gros et méchants, ils dépassent les limites du mal ; ils ne défendent pas la justice, ils ne se soucient pas de la cause de l’orphelin, ils ne rendent pas justice aux pauvres.  29Ne devrais-je pas punir ces péchés ? Oracle du Seigneur. Ne devrais-je pas me venger d’un peuple comme celui-ci ? 30 Des choses effrayantes et horribles se produisent dans le pays. 31Les prophètes prédisent au nom du mensonge, et les prêtres règnent sur leur hochement de tête ; mais mon peuple s’en réjouit. Que ferez-vous quand la fin viendra ? 

En écoutant ces paroles de l’Écriture Sainte, nous nous demandons si elles ne s’adressent pas aux puissants de ce monde, aux membres de l’élite mondialiste et à ceux qui les servent par lâcheté, par intérêt, par complicité courtoise. Et à ceux qui, constitués en autorité dans l’Église pour paître le troupeau qui leur a été confié par le Seigneur, abusent de leur pouvoir pour gouverner sur l’approbation des prophètes du Nouvel Ordre Mondial, qui prophétisent des pandémies et des situations d’urgence dont ils sont les architectes impitoyables.

Que ferez-vous quand la fin viendra ?, demande le Seigneur. Allez-vous créer de nouvelles urgences, de nouvelles crises, de nouvelles pandémies, de nouvelles guerres pour maintenir les peuples assujettis ? Continuerez-vous à exterminer des enfants innocents, à rendre les pères et les mères stériles, à escroquer l’ouvrier de son salaire, à corrompre les jeunes, à tuer les malades et les personnes âgées parce qu’ils sont considérés comme inutiles pour vos propres intérêts ignobles ? Vous barricaderez-vous dans vos forteresses, dans l’espoir d’échapper à la colère de Dieu et à votre juste châtiment ? Que ferez-vous, serviteurs de la Grande Réinitialisation, quand vos maîtres devront fuir dans leurs repaires, se cacher dans les entrailles de la terre ? Pensez-vous pouvoir vous vendre à un nouveau propriétaire comme vous l’avez fait jusqu’à présent ? Pauvres misérables ! Le jour terrible du Seigneur viendra pour tous, et aussi pour vous : d’abord avec le Jugement particulier, puis avec le Jugement universel. Si la justice terrestre reste inerte devant vos crimes parce qu’elle vous est soumise, la Justice divine sera inexorable et terrible, afin que vos péchés publics contre la Majesté de Dieu et contre l’homme qu’Il a créé à Son image et à Sa ressemblance, et qu’Il a racheté par Son propre Sang, ne restent pas impunis. Et si nos pauvres forces ne parviennent pas à vaincre vos conspirations, sachez que chacun de nous, chaque fidèle de la Sainte Église, toute bonne âme, prie, jeûne et fait pénitence pour invoquer l’intervention du Seigneur, Roi des Nations, que vous refusez de reconnaître, d’adorer et de servir. Que ferez-vous quand la fin viendra ? 

En ce jour de l’Épiphanie, alors que nous célébrons la manifestation publique de la Royauté divine de Notre-Seigneur Jésus-Christ et l’hommage public des Mages à sa Seigneurie universelle et éternelle, nous renouvelons nous aussi notre offrande. Une offrande pauvre et misérable, parce qu’elle vient de nous qui n’avons rien d’autre que ce que la Providence nous a accordé ; une offrande précieuse, si elle est présentée par Notre-Dame, la Très Sainte Vierge Marie, Reine Mère et notre Avocate devant le Trône du Fils. Une offrande infinie, quand elle s’élève à la Majesté du Père par les mains de la Victime pure et sainte, le Souverain Prêtre, le Pontife Éternel qui renouvelle le Sacrifice de la Croix dans le Saint Sacrifice de la Messe. Déposons nos pénitences au pied de l’autel, afin qu’elles deviennent l’or des rois ; nos prières, afin qu’elles montent au ciel comme l’encens que les prêtres brûlent à Dieu ; nos jeûnes, afin que la Sainte Messe les convertisse dans la myrrhe du sacrifice. Et nous demandons à l’Enfant Roi de convertir ceux qui, constitués en autorité dans la société civile et dans l’Église, se trouvent aujourd’hui à devoir choisir entre suivre l’étoile vers Bethléem pour L’adorer, ou ignorer Sa Naissance pour échapper à Sa volonté et Lui faire la guerre.

Qu’il en soit ainsi.

+ Carlo Maria Viganò, Archevêque

6 janvier 2023, Épiphanie de Notre Seigneur Jésus-Christ

©Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò

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