MPI a déjà évoqué la récente interdiction des messes privées dans la basilique Saint Pierre et les réactions de quelques prélats conciliaires et conservateurs, tels les cardinaux Burke, Müller et Brandmüller, et dernièrement le cardinal Robert Sarah.

Le 31 mars dernier, Mgr Vigano a tenu également à s’exprimer au sujet de ce qu’il nomme, fort justement, une « scandaleuse interdiction ». Encore une fois, sans affectation mais avec lucidité, le prélat en disgrâce dans la Rome moderniste, a une analyse en profondeur de cette éviction des messes privées qu’il relie à l’esprit subversif du concile Vatican II, plus que jamais à l’œuvre sous le pontificat bergoglien.  

Cet écrit de Mgr Vigano, qui a aussi le mérite de révéler les dessous de l’affaire, a été publié hier sur le blog Stilium Curiae, en ce jour du Jeudi Saint, commémoration de l’institution de la Sainte Messe.

Le voici en français traduit par MPI.

 « EXIVIT DE TEMPLO

À propos de l’interdiction scandaleuse des saintes messes privées dans la basilique Saint-Pierre au Vatican

Jesus autem abscondit se, et exivit de templo, Gv 8, 59

Le 12 mars, par une ordonnance sans signature, sans numéro d’enregistrement et sans destinataire, la première section de la Secrétairerie d’État a interdit la célébration de messes privées dans la basilique Saint-Pierre du Vatican, à partir du premier dimanche de la Passion. Dans les jours suivants, les cardinaux Raymond L.Burke, Gerhard L.Müller, Walter Brandmüller, Robert Sarah et Giuseppe Zen ont exprimé leur perplexité motivée face à cette décision qui, en raison de la forme rituelle dans laquelle elle a été rédigée, suggère un ordre explicite de Jorge Mario Bergoglio.

La doctrine catholique nous enseigne quelle est la valeur de la Sainte Messe, quelle est la gloire rendue à la Sainte Trinité, quelle est la puissance du Saint Sacrifice pour les vivants et pour les morts. Nous savons aussi que la valeur et l’efficacité de la Sainte Messe ne dépendent pas du nombre de fidèles qui y assistent ou de la dignité du célébrant, mais de la réitération sans effusion de sang du Sacrifice de la Croix par le prêtre célébrant, qui agit en persona Christi et au nom de toute la Sainte Eglise : elicipiat Dominus sacrificium de manibus tuis, ad laudem et gloriam nominis sui; ad utilitatem quoque nostram totiusque Ecclesiae suae sanctae.

La décision scandaleuse d’un fonctionnaire anonyme de la Secrétairerie d’État, facilement identifiable dans l’innommable Mgr. Edgar Peña Parra, représente malheureusement une justification de la pratique des diocèses du monde entier : pendant soixante ans, les déviations doctrinales introduites par Vatican II ont insinué que la messe sans peuple n’a aucune valeur, ou qu’elle a moins de valeur qu’une concélébration ou une messe à laquelle assistent les fidèles. Les normes liturgiques post-conciliaires interdisent l’érection de plusieurs autels dans la même église et prescrivent que lors de la célébration d’une messe au maître-autel, aucune autre messe ne doit être célébrée dans les autels latéraux. Pareillement le Missale Romanum de Montini prévoit également un rite spécifique pour la Missa sine populo, dans lequel les salutations sont omises – par exemple le Dominus vobiscum ou l’Orate, fratres – comme si, en plus des présents, la Cour céleste et âmes du purgatoire n’assistaient pas au Sacrifice eucharistique. Lorsqu’un prêtre se présente dans une quelconque sacristie demandant de pouvoir célébrer la messe – je ne dis pas dans le rite tridentin, mais aussi dans le rite réformé – il entend invariablement une réponse qu’il peut rejoindre la concélébration déjà prévue, et en tout cas, il est regardé avec suspicion s’il demande à pouvoir célébrer sans avoir quelques fidèles à sa suite. Il est inutile d’objecter que la messe privée est un droit de tout prêtre : la mentalité conciliaire sait aller bien au-delà de la lettre de la loi pour appliquer l’esprit de Vatican II avec une cohérence tétragonale, manifestant ainsi sa vraie nature.

En revanche, la messe réformée a été modifiée pour atténuer, faire taire ou nier explicitement les dogmes catholiques qui constituent un obstacle au dialogue œcuménique : parler des quatre fins de la messe est considéré comme scandaleux, car cette doctrine dérange ceux qui nient la valeur latreutique, propitiatoire, d’action de grâce et impétratoire du Saint Sacrifice, définie par le Concile de Trente.

Pour les modernistes, il n’y a rien de plus détestable que la célébration contemporaine de plusieurs messes, tout comme est intolérable la célébration coram Sanctissimo (c’est-à-dire devant le tabernacle placé au-dessus de l’autel). Pour eux, la Sainte Messe est une cène, une fête conviviale, et non un sacrifice : pour cette raison l’autel est remplacé par une table et le tabernacle n’est plus présent au-dessus de l’autel, déplacé en « un lieu plus propice à la prière et au recueillement »; c’est pourquoi le célébrant s’adresse au peuple et non à Dieu.

L’ordonnance de la Secrétairerie d’État, au-delà du manque de respect envers les chanoines de la Basilique et du stratagème hypocrite de l’absence de signature et de protocole, ne représente que la dernière confirmation d’un fait que ne veulent évidemment pas admettre ni combattre ceux qui, quoique avec de bonnes intentions, persistent à considérer les actes individuels sans vouloir les replacer dans le contexte plus large de la période dite post-conciliaire, à la lumière de laquelle même les changements les plus insignifiants acquièrent une cohérence inquiétante et démontrent la valeur subversive de Vatican II. Lequel, il est vrai, réitère en paroles la valeur de la messe privée – comme le rappelle Son Eminence Burke dans son récent discours – mais dans les faits la réduit à n’être que l’apanage de certains « nostalgiques » voués à l’extinction ou de groupes de fidèles excentriques. La suffisance avec laquelle les liturgistes pontifient sur ces questions est le signe d’une intolérance pour tout ce qui survit de catholique dans le corps ecclésial martyrisé. Toujours en ligne avec cette approche, Bergoglio peut refuser à la Très Sainte Vierge Marie le titre de Médiatrice et Co-rédemptrice en toute impunité, dans le seul but de plaire aux luthériens, lesquels considèrent que les « papistes » idolâtrent une femme et nient que Jésus-Christ est le seulement Médiateur.

Interdire aujourd’hui les messes privées à Saint-Pierre c’est légitimer les abus des autres basiliques et églises du monde, où cette interdiction était déjà en vigueur depuis des décennies même si elle n’avait jamais été explicitement formulée. Et il est encore plus significatif que cet abus soit imposé par un acte apparemment officiel, dans lequel l’autorité de la Secrétairerie d’État devrait faire taire, par crainte révérenciel, ceux qui souhaitent rester catholiques malgré les efforts de la hiérarchie actuelle allant en sens contraire. Mais ceux qui, même avant Benoît XVI, voulaient célébrer la Sainte Messe à Saint-Pierre, n’avaient pas la vie facile et étaient expulsés du temple, comme un vitandus excommunié, si seulement il osait célébrer le Novus Ordo en latin ; alors ne parlons pas du rite tridentin.

Bien sûr, pour les néo-modernistes, les messes privées peuvent être interdites et une tentative sera également faite pour abroger le Motu proprio Summorum Pontificum parce que, comme “Max Beans“, l’un des courtisans les plus zélés de Sainte Marthe, l’a récemment admis, la liturgie tridentine présuppose une doctrine qui est intrinsèquement opposée à la théologie conciliaire. Mais si nous en sommes venus au scandale de l’interdiction des messes privées à Saint-Pierre, nous le devons aussi au modus operandi des Novateurs, qui procèdent pas à pas appliquant dans les domaines liturgique, doctrinal et moral les principes de la « fenêtre d’Overton». Reconnaissons-le : ces clins d’œil indécents aux hérétiques et aux schismatiques répondent à une stratégie tournée vers les sectes non catholiques qui trouve son achèvement dans la stratégie plus large tournée vers les religions non chrétiennes et les idéologies néo-païennes qui prévalent aujourd’hui. C’est la seule manière de comprendre cette volonté délibérée de seconder les ennemis du Christ, pour plaire au monde et à son prince.

Dans cette perspective, il faut lire les projections d’animaux sur la façade de la Basilique du Vatican; l’entrée de l’idole de la pachamama portée sur les épaules des évêques et des clercs; l’offrande dédiée à la Terre Mère placée sur l’autel de la Confession lors d’une messe présidée par Bergoglio; la désertion de l’autel papal par celui qui refuse le titre de Vicaire du Christ; la suppression des célébrations sous prétexte de pandémie et leur remplacement par des cérémonies qui rappellent le culte de la personnalité des régimes communistes; la place complètement plongée dans l’obscurité pour s’aligner sur les nouveaux rites de l’écologie mondialiste. Ce veau d’or moderne attend le retour d’un Moïse qui descend du Sinaï et ramène les catholiques à la vraie foi après avoir chassé les nouveaux idolâtres, adeptes de l’Aaron de Sainte Marthe. Et que l’on n’ose pas parler de miséricorde ou d’amour : rien n’est plus éloigné de la Charité que l’attitude de celui qui, représentant l’autorité de Dieu sur terre, en abuse pour confirmer dans l’erreur les âmes que le Christ lui a confiées avec l’ordre de les nourrir. Le berger qui laisse la bergerie ouverte et encourage les brebis à en sortir en les envoyant dans les mâchoires des loups voraces est un mercenaire et un allié du Malin, et il devra en rendre compte au Berger Suprême.

Face à ce énième scandale, on constate avec consternation le silence timide et complice des prélats : où sont les autres cardinaux, où est l’archiprêtre émérite de la basilique, où se trouve le cardinal Re, qui comme moi célébrait depuis des années, quotidiennement, sa messe privée à Saint-Pierre ? Pourquoi sont-ils maintenant silencieux face à tant d’abus ?

Comme cela arrive aussi dans la sphère civile à l’occasion de la pandémie et de la violation des droits naturels par l’autorité temporelle, de même dans la sphère ecclésiastique la dictature a besoin de sujets sans colonne vertébrale et sans idéaux pour s’imposer. En d’autres temps, la basilique du Vatican aurait été assiégée par des prêtres, premières victimes de cette tyrannie odieuse qui a l’impudence de se faire passer pour démocratique et synodale. Que Dieu ne veuille pas que cet enfer sur terre qui est en train de s’établir au nom du globalisme ne soit rien d’autre que la conséquence de l’indolence et de la timidité, voire de la trahison de beaucoup, de trop de clercs et de laïcs.

L’Église, Corps mystique du Christ, se rapproche de sa Passion, afin de parachever en ses propres membres les souffrances de sa Tête. Que ces jours qui nous séparent de la Résurrection de notre Rédempteur soient une incitation à la prière, à la pénitence et au sacrifice, afin que nous puissions nous unir à la Sainte Passion de Notre Seigneur dans un esprit d’expiation et de réparation, selon la doctrine de la Communion des Saints qui nous permet, dans le lien de la vraie Charité, de faire du bien à nos ennemis et de demander à Dieu la conversion des pécheurs : de ceux aussi que la Providence nous a infligés en tant que Supérieurs temporels et ecclésiastiques.

+ Carlo Maria Viganò, archevêque

31 mars 2021, Feria Quarta Hebdomadae Sanctae » ©Traduction de Francesca de Villasmundo

Francesca de Villasmundo

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