Civitas a saisi le Conseil d’État d’une demande d’assouplissement du couvre-feu en faveur des catholiques. En effet, les horaires empêchent ceux qui exercent une activité salariée d’assister à la messe en semaine ou en fin de semaine. Il est en effet évident, compte tenu notamment des temps de trajet, qu’assister à la messe en semaine entre 6 heures et 9 heures ou entre 18 et 19 heures est impossible (sauf peut-être pour les travailleurs habitant au-dessus de chapelles, ce qui est tout de même rare). Une demande particulière a visé la Semaine Sainte et notamment les trois jours saints (jeudi, vendredi et samedi). Parallèlement, une autre association, Via la Voie du Peuple, a demandé un assouplissement limité aux fêtes pascales. Ces deux requêtes en référé liberté sont venues devant le Conseil le vendredi 26 mars à 15 heures.

Devant le juge des libertés, les requérants ont fait valoir que la jurisprudence administrative reconnaissait la liberté de culte comme une liberté fondamentale qui s’exerce collectivement (n’en déplaise au théologien Castaner qui recommandait la prière individuelle à domicile). Cette liberté est distincte de celle du commerce de l’industrie, et il n’est donc pas possible de faire des analogies entre la fermeture, d’ailleurs regrettable, des commerces et l’ouverture des églises. Il est également rappelé que, selon le Comité scientifique officiel lui-même, les églises ne sont pas un lieu de contamination constatée. Un protocole sanitaire exigeant a d’ailleurs été mis en place à ce sujet. Et l’on ne voit pas non plus pourquoi la contagion serait plus forte après 19 heures que, par exemple, le dimanche à 9 heures…

L’Administration, de son côté, s’est défendue de tout sectarisme. Sa représentante a même dit que le Ministère de l’intérieur reconnaissait l’importance de la semaine de Pâques pour les chrétiens (dont acte). Elle a cependant demandé le rejet des assouplissements du couvre-feu souhaités au motif de la gravité de l’épidémie et du désir de maintenir le principe même du couvre-feu. Le but affirmé de l’Administration serait seulement d’empêcher des rassemblements dans un but sanitaire. La représentante a cependant dû concéder que, dans le cadre du monde du travail, il était impossible d’y parvenir tout à fait, mais elle a ajouté que «l’on peut mettre en place des barrières. ». C’est cela même que soutiennent les requérants à l’égard des lieux de culte, en estimant que le protocole sanitaire adopté en accord avec l’État constitue une telle barrière justifiant l’octroi des assouplissements demandés.

A l’argument suivant lequel les paroisses se seraient adaptées, il a été répondu que ce n’est pas pour autant le cas de tous les paroissiens, faute, pour ceux qui exercent une activité salariée, de le pouvoir. Si nombre de cérémonies peuvent avoir lieu avec des horaires avancés, en revanche, la liberté effective d’en profiter est illusoire pour une grande partie de ceux qui le voudraient.

De toute manière, l’adaptation du couvre-feu, par exemple son passage de 18 à 21 heures pour permettre de se rendre dans un lieu de culte, éventuellement mentionnée sur une attestation, serait marginale. Et d’ailleurs, l’Association Via a fait remarquer que les décrets réglementant le couvre-feu admettaient actuellement diverses dérogations qui tenaient à des choix individuels de vie, telles par exemple que la sortie des animaux domestiques. Est-ce plus important que d’autoriser de favoriser une vie spirituelle normale pour les fidèles qui le souhaitent ?

L’Administration a également prétendu que l’octroi des assouplissements demandés serait perçu comme une invitation aux autres cultes à demander des facilités semblables. Cependant il a été répondu que chaque culte avait sa spécificité et la responsabilité d’engager ou non des recours, et que le Conseil d’État était à même d’arbitrer dans chaque cas. En outre Civitas a fait observer que, l’an dernier, le couvre-feu n’a pas été bien respecté dans certains territoires à forte présence musulmane tels que la Seine-Saint-Denis lors de la rupture quotidienne du ramadan. Si les assouplissements demandés par les catholiques n’étaient pas accordés, et si l’autorité s’avérait ensuite ne pas avoir les moyens d’agir dans une situation semblable à celle de l’an passé, l’on aurait une forte impression de « deux poids, deux mesures » au détriment des catholiques, et cette situation vaudrait sans doute des appréciations très défavorables à l’Administration dans l’opinion.

Enfin l’on doit déplorer que l’Administration ait pu se prévaloir d’un document qu’elle a produit à l’audience, à savoir une déclaration juste parue (sans date) de la Conférence des évêques de France (Document «  célébrations de la charité de Pâques 2021. Obligation de couvre-feu. Vigile pascale et messe du jour ») suivant laquelle, à propos de la vigile pascale, « en raison du couvre-feu, il faudra en aménager l’horaire pour pouvoir la célébrer. » L’on fera observer que cette déclaration vise la seule cérémonie pascale, et non toute la Semaine Sainte ni a fortiori toute l’année. Néanmoins il est regrettable que certains évêques, au lieu de demander à l’État de respecter la liberté religieuse des chrétiens, préfèrent marquer contre leur camp en demandant aux chrétiens de se soumettre toujours davantage à un pouvoir laïque et séparé de l’Eglise. Interprète indépendant de nombreux fidèles catholiques, et aussi de clercs, Civitas rappellera à nos seigneurs, avec respect mais fermeté, qu’ « il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. » (Actes V, 29).

Franck Bouscau

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