Le Vatican a rendu public le rapport sur l’affaire McCarrick évoquant les « tromperies » à l’égard de Jean-Paul II du cardinal agresseur et les histoires des victimes. Parallèlement le « mémorandum » de Viganò est refusé par le Saint Siège.

Il a fallu beaucoup de temps au Saint-Siège pour publier le rapport sur l’ancien cardinal Theodore McCarrick. L’ancien archevêque américain a été déchu de sa charge de cardinal pour abus par le pape François et est maintenant reclus dans une vie de prière et de pénitence aux États-Unis.

Hier mardi 10 novembre, le Vatican répond en quelque sorte aux accusations portées ces dernières années par le front traditionaliste et par l’archevêque et ancien nonce apostolique aux États-Unis Carlo Maria Viganò, qui avait demandé la démission du pontife argentin au moyen d’une lettre. Un texte dans lequel, en bref, Mgr Viganò soulignait comment l’actuel pontife, selon ses informations, avait eu connaissance depuis longtemps des allégations d’abus soulevées contre McCarrick. Non seulement cela : toujours selon le prélat italien, Joseph Ratzinger, lorsqu’il était sur le trône de Pierre, aurait sanctionné McCarrick pendant son pontificat. Et Jorge Maria Bergoglio n’aurait pas pris en compte ces sanctions.

Le pape argentin, après avoir conseillé aux journalistes de lire attentivement le document Viganò, avait confié une enquête aux organes compétents du Vatican, à l’issue de laquelle un dossier serait constitué. Maintenant, le contenu de ce rapport est rendu public. Dans une déclaration de présentation, le cardinal Pietro Parolin a expliqué que « l’enquête (…) a nécessité deux ans de travail et maintenant que le texte est rendu public, on comprendra pourquoi ce temps n’est pas court », invitant « quiconque cherche des réponses » à « lire l’intégralité du document et ne pas se leurrer en trouvant la vérité dans une partie plutôt qu’une autre »… L’enquête retrace l’ascension et la chute de l’ancien cardinal américain très puissant qui a été vaincu en février 2019 avec l’accusation la plus infâme, celle de pédophilie, même si – comme le confirme le rapport, ce n’était pas la seule tache sur sa personne, puisqu’il est aussi accusé d’actes homosexuels.

Dans le dossier, tous les passages de l’histoire ecclésiastique de « Oncle Ted » seraient retracés : notamment on y apprend que « le 14 novembre 1981, le pape Jean-Paul II a nommé McCarrick, alors âgé de 51 ans, premier évêque de Metuchen. McCarrick a été informé de la nomination plusieurs jours plus tard par le délégué apostolique, Mgr Pio Laghi. McCarrick a accepté la nomination avec une lettre manuscrite adressée au Saint-Père, dans laquelle il a remercié le Pape « de m’avoir donné cette magnifique opportunité » et a garanti « sa fidélité au Siège de Pierre et surtout une affection particulière pour vous. »

Alors qu’il était évêque de Metuchen, comme le souligne le document publié par le Vatican, la première plainte anonyme est arrivée. Mais c’étaient des époques où les rapports anonymes n’étaient pas pris avec trop de considération. Le rapport présente des reconstructions détaillées des attitudes de McCarrick à l’égard de certains mineurs :

« La mère 1 ne savait pas non plus quoi dénoncer. Elle avait vu des choses qui la mettaient mal à l’aise parce qu’elles semblaient de nature sexuelle, mais Mère 1 a expliqué qu’‘’elle manquait de langage et de connaissances pour être sûre, même si, en même temps, [elle] savait qu’il faisait quelque chose de très mal‘’ ».

Au fil des ans, il y aurait eu de nombreuses histoires similaires. McCarrick, en bref, aurait commis des abus de manière systématique bien avant de devenir cardinal. Alors pourquoi Jean-Paul II a-t-il décidé de créer McCarrick cardinal?

Selon le document, un cardinal, en particulier celui de New York, Mgr O’Connor, aurait également prévenu le pontife polonais des accusations portées contre « l’oncle Ted ». Jean-Paul II, demandant comment faire dans ces cas à une sorte de jury d’évêques, se persuada en quelque sorte du fait que les accusations contre McCarrick n’étaient que des rumeurs sans preuves. Et les histoires dans le rapport, à l’époque où McCarrick était archevêque de Newmark, continuent :

« Quand McCarrick a remarqué que le prêtre 4 portait un pyjama par-dessus ses sous-vêtements, il était mécontent, en disant : ‘’Qu’est-ce que tu portes? Il fait chaud.‘’ McCarrick lui-même se changea rapidement dans la salle de bain, d’où il sortit vêtu seulement d’un slip blanc et d’une chemise sans manches. Mais trois des quatre évêques interrogés par Jean-Paul II n’avaient pas confirmé ce qu’O’Connor avait exposé. »

Comme le rapporte Il Corriere della Sera, à un certain moment, une lettre ressort « que McCarrick lui-même a écrite de sa propre main le 6 août 2000 et remise au secrétaire de Wojtyla, Stanisław Dziwisz : il a dit qu’il était innocent et a juré qu’il ‘’n’avait jamais eu de rapports sexuels avec personne, homme ou femme, jeune ou vieux, ecclésiastique ou profane.‘’ ».

McCarrick deviendra ainsi un cardinal de l’Église officielle. Bien que dans les notes du nonce apostolique Caccivillan, des choses de ce genre aient été écrites :

« Mgr McCarrick sur la plage avec des groupes de séminaristes (de Seton Hall [université catholique privée américaine, ndlr]) … un au lit … Des choses d’il y a plusieurs années, mais ces jeunes en sont maintenant affectés. Récemment, sept jeunes prêtres, un secrétaire du prélat [McCarrick], sont allés ‘en congé’… Seton Hall va mal… Danger de scandale si le Pape se rend à Newark. »

Jean-Paul II, en substance, aurait été trompé sur la conduite de McCarrick par des informations incorrectes ou inexactes. Et l’opinion des trois évêques plus la propre lettre de McCarrick auraient été décisives dans cette tromperie.

Mais Benoît XVI avait-il sanctionné McCarrick ou non pour ces abus comme rapportés par Mgr Viganò?

D’après ce qui est ressorti du Saint-Siège, il semblerait que Joseph Ratzinger n’ait pas imposé de sanctions privées à McCarrick. Le Vatican à l’époque du pontife allemand aurait commencé à enquêter sans parvenir à certaines conclusions. Monseigneur Carlo Maria Viganò, qui était dans le gouvernorat sous le règne de Benoît XVI, est également nommé :

« Monseigneur Viganò, dit le rapport, n’a pas pris ces mesures et, par conséquent, ne s’est jamais mis en mesure de s’assurer de la crédibilité de Prêtre 3. »

Le pape François, c’est la conclusion, aurait finalement pris la ferme décision de déchoir McCarrick du cardinalat après la déclaration de l’archidiocèse de New York, qui a jugé crédibles certaines accusations contre ‘l’oncle Ted’.

Ainsi, grâce à ce rapport publié par le staff bergoglien, si Jean-Paul II et Benoît XVI s’en sortent blanchis bien que dupes dans cette sordide histoire, c’est le pape François qui apparait comme le grand pourfendeur de McCarrick, alors que pour l’ancien nonce apostolique aux États-Unis Mgr Vigano, c’est bien ce dernier qui fut le grand protecteur de McCarrick

Face à ces déclarations d’inaction le concernant, la réponse de Mgr Viganò n’a pas tardé à venir. Dans un communiqué publié hier soir, il a exprimé son « indignation de voir les mêmes accusations de camouflage dirigées contre moi, alors que j’ai maintes et maintes fois dénoncé l’inaction du Saint-Siège », arguant qu’ « un commentateur libre de tout préjugé pourrait noter le moment plus que suspect de la publication, ainsi que la tentative de discréditer ma personne, accusée de désobéissance et de négligence par ceux qui ont tous les ‘’intérêt à délégitimer‘’ ceux qui ont mis au jour un réseau sans précédent de corruption et d’immoralité ».

Francesca de Villasmundo

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