Regnum ejus regnum sempiternum est, et omnes reges servient ei et obedient. 

Son règne est un règne éternel, et toutes les puissances le serviront et lui obéiront [Daniel 7.27]

Il était une fois un roi. C’est ainsi que commençaient les contes de fées que nous entendions dans notre enfance, quand l’endoctrinement idéologique n’était pas encore venu corrompre les enfants dans leur innocence et que nous pouvions parler sereinement de rois, de princes et de princesses, et qu’il était normal de penser qu’au moins dans le monde des contes de fées, il pouvait y avoir un ordre social qui ne soit pas renversé par la Révolution. Les royaumes, les trônes, les couronnes, l’honneur, la loyauté, la chevalerie étaient des références qui allaient au-delà du temps et des modes, précisément en raison de leur cohérence avec le cosmos divin, avec la hiérarchie éternelle et immuable des ordres célestes.

Il y avait aussi des rois dans les paraboles avec lesquelles le Seigneur instruisait ses disciples, et Lui-même devant Pilate se proclama Roi, revêtu par moquerie d’une robe de pourpre, couronné d’épines, et avec un roseau au lieu du sceptre. Les scélérats se moquèrent de Lui en tant que Roi, et en tant que Roi, Il fut reconnu par le gouverneur de Judée lorsqu’il fit apposer sur la Croix l’écriteau indiquant la raison de sa condamnation à mort : Jesus Nazarenus Rex Judæorum. Le Sanhédrin aurait voulu corriger cette inscription : « N’écrivez pas : « Le roi des Juifs », mais : « Cet homme a dit : Je suis le roi des Juifs » » (Jn 19, 21). Et aujourd’hui encore, il y a ceux qui veulent refuser à Notre-Seigneur ce titre qui dérange tant Ses ennemis, pour tout ce qu’il implique. Mais au moment même où les impies secouent le joug suave du Christ et déclarent ouvertement leur rébellion contre Son autorité souveraine, ils sont forcés de combler ce vide, tout comme ceux qui nient le vrai Dieu finissent par adorer des idoles. Pilate dit aux Juifs : « Voici votre roi. » Mais ils s’écrièrent : « Ôte ! Ôte ! Crucifie-le ! » Pilate leur dit : « Crucifierai-je votre roi ? » Les chefs des prêtres sacrificateurs répondirent : « Nous n’avons pas d’autre roi que César » (Jn 19, 15). Il est bien triste de voir comment des esprits égarés, pour ne pas reconnaître une réalité évidente et salvifique, préfèrent se rendre esclaves d’une puissance bien inférieure, comme celle de l’État, et d’un État envahisseur. D’autre part, ceux qui servent Satan sont également prêts à servir l’Antéchrist en tant que roi et à reconnaître son royaume, dont le Nouvel Ordre Mondial est un prélude inquiétant. Mais n’est-ce pas, en fin de compte, ce que nous faisons chaque fois que nous désobéissons à Dieu ? Ne refusons-nous pas à Celui qui la détient, par droit divin et de conquête, cette seigneurie universelle et absolue, pour ensuite l’attribuer aux créatures ou l’usurper pour nous-mêmes ? Ne nous érigeons-nous pas en législateurs suprêmes, chaque fois que nous prétendons prendre la place de Celui qui, sur le Sinaï, a donné à Moïse les tables de la Loi ? Nos premiers parents n’ont-ils pas fait de même lorsqu’ils ont écouté les séductions du Serpent et qu’ils ont enfreint le commandement du Seigneur en mangeant le fruit de l’arbre ? Ou les Hébreux dans le désert, quand ils adoraient le veau d’or ?

Le pouvoir royal est indissolublement lié à la divinité : les rois d’Israël et les souverains des nations catholiques se considéraient comme des vicaires de Dieu, investis d’un pouvoir sacré, conféré par un rite quasi sacramentel. L’exercice de l’autorité royale – et plus généralement de gouvernement – doit donc être conforme à la volonté de Dieu lui-même, dont elle émane. Cette cohérence implique la reconnaissance, de la part de l’autorité publique, du pouvoir suprême de Dieu et l’obligation de conformer les lois de l’État à la Loi naturelle et divine. Celui qui croit pouvoir user du pouvoir de l’autorité, civile ou ecclésiastique, dans un but différent ou même opposé à celui pour lequel l’autorité a été instituée par Dieu, se trompe misérablement, et sa destinée ne sera pas différente de celle que la Providence a réservée aux tyrans et aux souverains qui se révoltent contre la volonté divine.

Cela s’applique non seulement au pouvoir temporel, mais aussi et surtout au pouvoir spirituel qui, par la supériorité hiérarchique des fins, est intrinsèquement supérieur au pouvoir temporel ; et c’est précisément pour cette raison que ceux qui le détiennent doivent se conformer encore plus fidèlement à ce que Dieu a enseigné et ordonné. Et si déjà c’est en soi une incohérence que ceux qui sont constitués en autorité n’agissent pas dans leur vie privée conformément aux principes de la Foi et de la Morale, il est tout à fait inouï qu’une telle incohérence puisse s’étendre à l’exercice de l’autorité elle-même. C’est pourquoi les taches qui pèsent sur la conduite personnelle d’un Alexandre VI sont incomparablement moins graves que celles d’un Pape qui, bien qu’ayant une vie qui n’est pas scandaleuse, commet des actes de gouvernement contraires à la fin de la Papauté. Et aujourd’hui, nous avons à faire avec la réalité d’une « papauté » où les scandales personnels de Jorge Mario Bergoglio sont même éclipsées par ceux qu’il commet en vertu de l’autorité qui lui est – au moins momentanément – reconnue.

Le Seigneur, qui est un Dieu jaloux (Ex 20, 5), veut régner sur son peuple, et Il exerce ce royaume par Ses vicaires dans les affaires temporelles et spirituelles. Il a voulu que son Église soit monarchique non pour laisser le Pape libre de décider ce qu’il veut, mais pour qu’il agisse comme Christi Vicarius et Servus servorum Dei, afin que le seul Prêtre Souverain et Éternel, le Médiateur entre Dieu et les hommes, le Roi et Seigneur universel, règne à travers lui.

Une Église démocratique n’est pas seulement une aberration théologique et une violation flagrante de la structure hiérarchique du Seigneur, mais c’est un non-sens réfuté par ses propres partisans, car il est basé sur la fausse prémisse qu’il est possible d’exercer une autorité en dehors du Bien, en la pervertissant en tyrannie. L’autorité ecclésiastique et civile, par décret divin, est l’expression de la Seigneurie suprême, absolue et universelle du Christ, cujus regni non erit finis. Trop souvent, nous oublions que le Seigneur n’est pas Dieu par suffrage universel. Dominus regnavit, decorem indutus est (Ps 92, 1). Le Seigneur règne dans tout l’univers : Il s’est revêtu de majesté. L’Écriture Sainte utilise ici une forme verbale avec laquelle elle exprime l’éternité, l’indéfectibilité et le caractère définitif du Royaume du Christ.

Regnum meum non est de hoc mundo (Jn 18, 36) : ces paroles de Notre-Seigneur à Pilate ne doivent pas être comprises dans le sens que les hérétiques et les modernistes ont coutume de leur donner, à savoir que Jésus-Christ ne revendique pas l’autorité sur le gouvernement des nations et qu’Il les laisse libres de légiférer, selon les erreurs du libéralisme et du sécularisme. Au contraire, précisément parce que le Royaume du Christ ne dérive pas d’un pouvoir terrestre, il est éternel et universel, total et absolu, direct et immédiat. Ego vici mundum, nous rassure le Seigneur. Par conséquent, non seulement le monde n’est pas à l’origine de Son Autorité, mais il en est l’ennemi, au moment où il s’y dérobe pour servir le Princeps mundi hujus, qui est précisément prince, lui aussi hiérarchiquement soumis au pouvoir suprême de Dieu, qui ne lui permet d’agir que pour en tirer un plus grand bien.

J’ai vaincu le monde, signifie que le monde, même s’il s’illusionne sur le fait qu’il peut s’opposer aux desseins de la Providence et entraver l’action de la Grâce, ne peut rien faire contre Celui qui l’a déjà vaincu. Cette victoire, totale et irréversible, s’est accomplie par la Croix, signe de l’infamie réservée aux esclaves, avec la Passion et la Mort du Sauveur, dans l’obéissance au Père. Regnavit a ligno Deus. La Croix est le trône de gloire, parce que c’est par elle que le Christ nous a sauvés, c’est-à-dire qu’Il nous a rachetés de l’esclavage de Satan.

Aujourd’hui, l’État et l’Église sont les otages des ennemis de Dieu et leur autorité est usurpée par des criminels subversifs et des apostats qui manifestent avec arrogance leur détermination à faire le mal et leur aversion pour la Loi du Seigneur. La trahison des dirigeants et l’apostasie de la Hiérarchie sont la punition que nous méritons pour avoir désobéi à Dieu.

Pourtant, pendant qu’ils détruisent, nous avons la joie et l’honneur de reconstruire. Une nouvelle génération de prêtres et de laïcs participe avec zèle à cette œuvre de reconstruction de l’Église pour le salut des âmes, et elle le fait avec la conscience de ses propres faiblesses, mais en se laissant utiliser par Dieu comme un instrument docile entre ses mains. Mains disponibles, mains fortes, mains du Tout-Puissant. Notre fragilité met encore plus en lumière l’œuvre du Seigneur, surtout là où cette fragilité humaine s’accompagne d’humilité. Cette humilité doit nous conduire à instaurare omnia in Christo, en commençant par le cœur de notre Foi, qui est la Sainte Messe. Revenons donc à cette liturgie qui reconnaît la primauté absolue de Notre-Seigneur.

Si Notre-Seigneur Jésus-Christ est Roi de droit héréditaire (étant de lignée royale), de droit divin (en raison de l’union hypostatique) et de droit de conquête (nous ayant rachetés par son sacrifice sur la Croix), il ne faut pas oublier qu’à ses côtés, dans les desseins de la divine Providence, le divin Souverain a voulu placer sa Très Auguste Mère, la Très Sainte Vierge Marie, comme Notre-Dame et Reine. Il ne peut y avoir de royauté du Christ sans la douce et maternelle royauté de Marie, dont saint Louis-Marie Grignon de Montfort nous rappelle qu’elle est notre Médiatrice auprès du trône de la Majesté de son Fils, comme Reine qui intercède auprès du trône du Roi. Regina, Mater misericordiæ, Spes nostra, Advocata nostra.

La prémisse du triomphe du Roi divin dans la société et dans les nations est qu’Il règne déjà dans nos cœurs, dans nos âmes, dans nos familles, dans nos communautés. Que le Christ règne donc en nous, et avec Lui sa Très Sainte Mère. Adveniat regnum tuum : adveniat per Mariam. Qu’il en soit ainsi.

+ Carlo Maria Viganò, Archevêque

29 octobre 2023, D.N. Jesu Christi Regis 

© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò

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