
A l’aube du pontificat de Léon XIV, les réactions contradictoires se lèvent, espoirs et peurs, méfiances et confidences, tellement la crise de l’Église a déboussolé les repères de notre Foi catholique et obscurci les intelligences. MPI vous propose une étude en 3 parties, intitulée A quoi a servi François ? présentant une synthèse de la problématique à laquelle l’Église catholique est confrontée aujourd’hui, Léon XIV sera-t-il une rupture ou une continuité avec François ? avec Vatican II ?, et des éléments de réponse.
Pour saisir l’ampleur de la question, la Ie partie de l’étude porte sur le bilan et le pontificat révélateur de François ; la IIe partie traite de l’herméneutique de la continuité de Benoit XVI pour bien l’appréhender ; et la IIIe et dernière partie se demande si l’après-François avec Léon XIV ne sera pas tout simplement la ‘super-synthèse’ du mouvement révolutionnaire conciliaire.
Merci à Jerichus pour sa précieuse contribution dont nous publierons l’intégralité sur 3 jours.
Première partie
Un bilan sans commune mesure
A bien des égards, le pontificat de l’Argentin fut de loin le plus destructeur de l’histoire de l’Église. Certes, simple héritier d’une Révolution, d’un véritable Coup d’Etat dans l’Église1 opéré il y a plusieurs décennies et qui le dépasse, François aura poussé à leurs ultimes et funestes conséquences les principes néomodernistes – ces « bombes à retardement » – qui triomphèrent officiellement au Concile Vatican II.
Ainsi achevé en le Lundi de Pâques de cette année jubilaire, son règne nous laisse dans la bouche le goût amer du fiel dont il n’a cessé pendant ces treize longues années de nous abreuver de force. Des âmes meurtries, scandalisées par sa gestion désastreuse de la Barque de Saint-Pierre (qu’on pense aux franciscains de l’Immaculée, aux prêtres, aux évêques chassés de leur diocèse, voire « excommuniés ») ; des fidèles jetés dans le trouble et le désarroi, quand ils ne furent pas tout bonnement persécutés pour leur attachement aux sacrements traditionnels ; une Ville Sainte plongée dans un état de corruption tel que la Rome païenne, même à son niveau de décadence le plus avancé, en rougirait de honte… Un délabrement complet, tant doctrinal que moral, tant culturel que cultuel : voilà ce qu’aura laissé derrière lui le « Pape de la Miséricorde ». À tel point désormais que « la fumée de Satan [qui] entr[a] dans le Peuple de Dieu », selon Paul VI lui-même, couvre entièrement le Dôme de Saint-Pierre l’enveloppant d’épaisses ténèbres. Y a-t-il situation dramatique qui rappelle plus l’état du Sanhedrin contemporain de Notre-Seigneur2 ? S’essayer à la méthode Coué, se répétant à l’envi pour mieux s’aveugler sur la situation qu’« enfin ! Des crises dans l’Église, il y en a toujours eu !.. Que celle-ci n’est sans doute pas la pire… Que d’autres papes jetèrent également par le passé un voile de déshonneur sur l’Église du Christ ! » n’arrangera rien : jamais une telle déchéance morale, spirituelle, religieuse ne s’était abattue sur les sept collines pétriniennes.
Petit florilège des décisions de François
En bref, que ce soit par l’ensemble des positions qu’il a tenues comme des horreurs sur la Foi et la Morale qu’il a inlassablement diffusées durant tout son pontificat, que fut François, sinon un démolisseur intégral ? Même le « Santo Subito » qui suit généralement la mort des papes conciliaires, fut cette fois-ci un feu de paille, hormis chez les plus progressistes, ce qui témoigne de l’incommodante singularité de Jorge Mario Bergoglio. Et si la mémoire de certains semble déjà fort oublieuse3, ce petit florilège permettra de la rafraîchir.
– De l’ouverture de la communion aux divorcés remariés aux bénédictions données aux couples invertis ;
– Du relativisme sacrilège de la déclaration d’Abu Dhabi4 jusqu’à l’adoration profanatrice de l’idole Pachamama dans les jardins du Vatican ;
– De la mise à l’honneur de l’hérésiarque Luther, via l’intronisation de sa statue à l’intérieur du même Vatican, jusqu’à la célébration des 500 ans de la révolte protestante, par l’impression d’un timbre à l’effigie du moine allemand ;
– De la fermeture des églises lors de la psychopandémie jusqu’à sa promotion des injections de masse, qualifiées d’« acte d’amour » ;
– De ses libres et condamnables opinions du dogme, notamment sur l’Enfer vide, aux « tonterias » (stupidités, sottises) sur la Corédemption de la Vierge Marie5 ;
– De ses critiques acerbes, voire psychanalytiques6, envers les milieux conservateurs ou traditionnalistes, accusés d’arriérisme et de pharisaïsme jusqu’à la restriction drastique de la Messe catholique ;
– De la notion particulière qu’il avait de la mission évangélisatrice, froidement considérée et condamnée comme du prosélytisme, jusqu’à sa défense de la submersion migratoire, majoritairement mahométane, du monde blanc ;
– De l’existence de la guerre juste qu’il a remise en question7 (les descendants de Cristeros apprécieront !) à sa condamnation de la peine de mort, allant à l’encontre du droit naturel concernant ces questions jusqu’alors défendu par les Papes ;
– De son silence sur les clercs prévaricateurs qu’il a placés à de hautes prélatures à l’accueil tout sourire qu’il savait réserver aux pires ennemis du Christ et de Son Église ;
– Enfin, du titre de Vicaire du Christ qu’il raya éhontément jusqu’au synode sur la synodalité dont l’effronterie suprême est l’ébranlement direct de la constitution divine de l’Église.
Quel bilan.
Pourtant, rien ne laissait place à la surprise, pas même feinte, lui qui nous avait prévenu, lorsque, proposant de « construire des ponts », il appelait à « abattre les murs ». Ah, sans doute que beaucoup eurent quelque difficulté à saisir l’avertissement prophétique d’une telle déclaration, ne voulurent pas comprendre la portée ravageuse d’un tel programme. A leur décharge, peut-être aussi que cinq papes conciliaires – ceux qui avaient précédé François dans ce Grand Œuvre, qui portèrent tous pierre à l’édifice et dont ce dernier assuma pleinement l’héritage en en « canonisant » trois d’entre eux – ne suffisaient pas pour que l’on comprît véritablement à quoi et à qui nous avions à faire…
Un pontificat révélateur
Tous ses efforts pour soutenir l’agenda mondialiste suffisent à rendre compte du rôle éminemment destructeur que le Papa Argentin a joué dans l’Église ces dernières années et qui suscitent beaucoup d’interrogations légitimes quant à la conception qu’il se faisait de la Papauté et donc de l’effectivité de son élection8.
Destructeur, il le fut toutefois d’une autre sorte, lui qui, ayant succédé au plus modéré Benoît XVI, semble en avoir pris le contre-pied. En réalité, François, ne fut pas simplement un catalyseur de la Révolution conciliaire. Sous son règne, celle-ci fit enfin tomber le masque, se présentant à nous dans sa nudité la plus crue, sans son parfum enivrant ni ses tenues d’apparat. Aucun faux semblant, aucune demi-mesure, juste une sincérité brutale avec laquelle elle étala sous nos yeux sa répugnante laideur. Oui, le pontificat de l’Argentin fut en un certain sens apocalyptique, mais précisément parce qu’il fut le révélateur d’une réalité que l’on a trop voulu enfouir et qu’il fut pour beaucoup un grand dévoilement qui leur permit de voir clair9. Avec François, les équivoques byzantines sont tombées, les candides espérances se sont envolées, les doux rêves se sont évanouis.
Car dans sa vague destructrice, François a tout emporté jusqu’aux vaines illusions auxquelles s’accrochaient, éperdus, les esprits timorés qui jusqu’alors avaient cru béatement pouvoir conserver les mauvaises graines du Concile tout en se prémunissant, pour eux-mêmes, des mauvais fruits. Ils pensaient ainsi que perdurerait le statu quo imaginé par Benoît. Mais l’Argentin démontra largement ce que valaient, au fond, les mesures d’orientation conservatrice ainsi que les timides reculades du pontificat précédent, qui ne furent finalement que ce qu’elles avaient toujours été, à savoir : des concessions provisoires habilement pensées pour faire diversion et gagner du temps, dont l’objectif principal était de contenir ou d’attirer le plus de brebis possibles dans l’enclos conciliaire. « Venez ! Rejoignez-nous ! Il y a de la place pour tout le monde, y compris pour vous ! ». Un énième coup d’échec de la part des néomodernistes qui, quand les temps le réclament, savent céder leur reine pour ainsi mieux protéger le roi.
Nous n’avons pas l’indécence de remercier François pour ce qu’il a fait. Jamais un fils de l’Église ne pourra se satisfaire qu’on meurtrisse et jette ainsi sa Mère en pâture. En revanche, nous reconnaissons que c’est là le seul bienfait que l’on puisse attribuer à l’ère bergoglienne : d’avoir pulvérisé la benoîte rêverie des milieux conservateurs, d’avoir ruiné leurs espoirs chimériques qu’un jour le Christ et Bélial s’entendent. Combien, sans François, adhérerait encore à cette dichotomie trompeuse qui veut opposer le Concile, intouchable, à un prétendu « esprit du Concile » qui s’en démarquerait ? Combien, sans François, se bornerait encore à ne voir dans les désastres de l’après-Concile qu’une mésinterprétation de ce dernier, gardant ainsi leurs hermé(neu)tiques œillères ? Combien, sans François, se satisferait pour demain d’une Restauration « bénédictine » aussi fausse que la première ? Que l’on pense un instant à ceux qui, venant de l’église conciliaire, comme Mgr Viganò, comprirent après une longue et mûre réflexion que la racine du problème était le Concile en lui-même. Avec François, la rupture semble enfin définitivement consommée.
Fin de la première partie.
Francesca de Villasmundo
[1] https://www.medias-presse.info/coup-detat-dans-leglise-macinella/189828/
[2] Les abbés Lémann ont esquissé un tableau exact de la situation de la Chaire de Moïse à l’époque du Christ dans leur livre Valeur de l’assemblée qui prononça la peine de mort contre Jésus-Christ
[3] Voir la déclaration de la FSSP à l’annonce du décès de François : https://www.fssp.org/fr/deces-du-pape-francois/
[4] « Le pluralisme et les diversités de religion, de couleur, de sexe, de race et de langue sont une sage volonté divine, par laquelle Dieu a créé les êtres humains. Cette Sagesse divine est l’origine dont découle le droit à la liberté de croyance et à la liberté d’être différents. »
[5] « Fidèle à son Maître, qui est son Fils, l’unique Rédempteur, elle n’a jamais voulu prendre pour elle quelque chose de son Fils. Elle ne s’est jamais présentée comme corédemptrice. […] Lorsque l’on vient avec des histoires selon lesquelles il faudrait la déclarer ceci, ou faire cet autre dogme ou cela, ne nous perdons pas dans ces sottises. » Homélie du 12 décembre 2019, en la basilique Saint-Pierre, pour la fête de Notre-Dame de Gadualupe.
[6] Dans son autobiographie Hope : « Ces manières de s’habiller cachent parfois un déséquilibre mental, une déviation émotionnelle, des difficultés comportementales, un problème personnel qui peut être exploité. »
[7] « Il n’y a pas de guerre juste. », lors d’une audience en 2022 avec la Fondation pontificale Gravissimum Educationis
[8] C’est ici l’argument défendu par Mgr Viganò, sur le « Vitium Consensus » – vice de consentement – pour remettre en question la légitimité de l’élection de François.
[9] Le terme Apocalypse vient en effet du grec ancien apokálupsis et signifie dévoilement, révélation.
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