Dimanche in Albis – Station aux Saints-Côme-et-Damien – « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
Ce Dimanche s’appelle Quasimodo (des premiers mots de l’Introït) ou in Albis, car les néophytes viennent de déposer leurs vêtements blancs, ou Pâques closes, car c’est en ce jour que s’achève l’Octave de Pâques (Or.). — Pour apprendre à ceux qui viennent de naître par le baptême à la vie de Dieu (Intr.) avec quelle générosité ils doivent rendre témoignage à Jésus, l’Église les conduit à la basilique de St-Pancrace martyr, qui à l’âge de 12 ans rendit au Christ le témoignage du sang. Ainsi doivent faire les baptisés en face de la persécution à coups d’épingles dont ils sont continuellement les victimes. Ils doivent résister en s’appuyant sur la foi en Jésus, le Fils de Dieu, ressuscité. C’est cette foi, dit St Jean, qui nous fait vaincre le monde, car elle nous fait rejeter toutes ses tentatives de nous faire tomber (Ep.). Il importe donc que cette foi ait une base solide. Et l’Église nous la donne dans la messe de ce jour. Cette foi, dit S. Jean dans l’Épitre, a pour fondement le témoignage du Père qui, au baptême du Christ (eau), l’a proclamé son Fils, du Fils qui sur la croix (sang) s’est montré le Fils de Dieu, et du St Esprit qui en descendant sur les Apôtres au jour de la Pentecôte, comme l’avait promis Jésus, a confirmé ce que le Sauveur avait dit de sa résurrection et de sa divinité, dogmes que l’Église, guidée par l’Esprit-Saint, ne cesse jamais de proclamer. Cette foi s’appuie aussi sur le témoignage des Anges qui annoncèrent la résurrection de Jésus (Offert.), et elle se base surtout sur les apparitions de Jésus aux Apôtres. Aussi l’Évangile nous montre-t-il comment le Christ, qui apparaît deux fois au Cénacle, fait tomber l’incrédulité de Thomas et loue ceux qui, sans l’avoir vu, croient en lui. Croyons en Jésus ressuscité et redisons en présence de la divine Eucharistie, où il se trouve, le cri de foi et d’humilité de S. Thomas : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».
Jésus dit à Thomas : « Tu as cru, parce que tu as vu ; heureux ceux qui n’ont pas vu et qui néanmoins ont cru ! » Paroles remplies d’une divine autorité, conseil salutaire donné non seulement à Thomas, mais à tous les hommes qui veulent entrer en rapport avec Dieu et sauver leurs âmes ! Que voulait donc Jésus de son disciple ? Ne venait-il pas de l’entendre confesser la foi dont il était désormais pénétré ? Thomas, d’ailleurs, était-il si coupable d’avoir désiré l’expérience personnelle, avant de donner son adhésion au plus étonnant des prodiges ? Était-il tenu de s’en rapportera Pierre et aux autres, au point d’avoir à craindre de manquer à son Maître, en ne déférant pas à leur témoignage ? Ne faisait-il pas preuve de prudence en suspendant sa conviction, jusqu’à ce que d’autres arguments lui eussent révélé à lui-même que le fait était tel que ses frères le lui racontaient ? Oui, Thomas était un homme sage, un homme prudent, qui ne se confiait pas outre mesure ; il était digne de servir de modèle à beaucoup de chrétiens qui jugent et raisonnent comme lui dans les choses de la foi. Cependant, combien est accablant, dans sa douceur si pénétrante, le reproche de Jésus ! Il a daigné se prêter, avec une condescendance inexplicable, à l’insolente vérification que Thomas avait osé demander ; maintenant que le disciple tremble devant le divin ressuscite, et qu’il s’écrie dans l’émotion la plus sincère : « Oh ! vous êtes bien mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus ne lui fait pas grâce de la leçon qu’il avait méritée. Il faut un châtiment à cette hardiesse, à cette incrédulité ; et ce châtiment consisterai s’entendre dire : « Tu as cru, Thomas, parce que tu as vu. »
Mais Thomas était-il donc obligé de croire avant d’avoir vu ?— Et qui peut en douter ? Non seulement Thomas, mais tous les Apôtres étaient tenus de croire à la résurrection de leur maître, avant même qu’il se fût montré à eux. N’avaient-ils pas vécu trois années dans sa compagnie ? Ne l’avaient-ils pas vu confirmer par les plus divins prodiges sa qualité de Messie et de Fils de Dieu ? Ne leur avait-il pas annoncé sa résurrection pour le troisième jour après sa mort ? Et quant aux humiliations et aux douleurs de sa Passion, ne leur avait-il pas dit, peu de temps auparavant, sur la route de Jérusalem, qu’il allait être saisi par les Juifs qui le livreraient aux gentils ; qu’il serait flagellé, couvert de crachats et mis à mort ? Des cœurs droits et disposés à la foi n’auraient eu aucune peine à se rendre, dès le premier bruit de la disparition du corps. Jean ne fit qu’entrer dans le sépulcre, que voir les linceuls, et aussitôt il comprit tout et commença à croire. Mais l’homme est rarement aussi sincère ; il s’arrête sur le chemin, comme s’il voulait obliger Dieu à faire de nouvelles avances. Ces avances, Jésus daigna les faire. Il se montra à Madeleine et à ses compagnes qui n’étaient pas incrédules, mais seulement distraites par l’exaltation d’un amour trop naturel. Au jugement des Apôtres, leur témoignage n’était que le langage de quelques femmes que l’imagination avait égarées. Il fallut que Jésus vînt en personne se montrer à ces hommes rebelles, à qui leur orgueil faisait perdre la mémoire de tout un passé qui eût suffi à lui seul pour les éclairer sur le présent. Nous disons leur orgueil ; car la foi n’a pas d’autre obstacle que ce vice. Si l’homme était humble, il s’élèverait jusqu’à la foi qui transporte les montagnes. Or Thomas a entendu Madeleine, et il a dédaigné son témoignage ; il a entendu Pierre, et il a décliné son autorité ; il a entendu ses autres frères et les disciples d’Emmaüs, et rien de tout cela ne l’a dépris de sa raison personnelle. La parole d’autrui qui, lorsqu’elle est grave et désintéressée, produit la certitude dans un esprit sensé, n’a plus cette efficacité chez beaucoup de gens, dès qu’elle a pour objet d’attester le surnaturel. C’est là une profonde plaie de notre nature lésée par le péché. Trop souvent nous voudrions, comme Thomas, avoir expérimenté nous-mêmes ; et il n’en faut pas davantage pour nous priver de la plénitude de la lumière. Nous nous consolons comme Thomas parce que nous sommes toujours du nombre des disciples ; car cet Apôtre n’avait pas rompu avec ses frères ; seulement il n’entrait pas en part de leur bonheur. Ce bonheur, dont il était témoin, ne réveillait en lui que l’idée de faiblesse ; et il se savait un certain gré de ne le pas partager.
Tel est de nos jours encore le chrétien entaché de rationalisme. Il croit, mais c’est parce que sa raison lui fait comme une nécessité de croire ; c’est de l’esprit et non du cœur qu’il croit. Sa loi est une conclusion scientifique, et non une aspiration vers Dieu et la vérité surnaturelle. Aussi cette foi, comme elle est froide et impuissante ! Comme elle est restreinte et embarrassée ! Comme elle craint de s’avancer, en croyant trop ! A la voir se contenter si aisément de vérités diminuées, pesées dans la balance de la raison, au lieu de voler à pleines ailes comme la foi des saints, on dirait qu’elle est honteuse d’elle-même. Elle parle bas, elle craint de se compromettre ; quand elle se montre, c’est sous le couvert d’idées humaines qui lui servent de passeport. Ce n’est pas elle qui s’exposera à un affront pour des miracles qu’elle juge inutiles, et qu’elle n’eût jamais conseillé à Dieu d’opérer. Dans le passé comme dans le présent, le merveilleux l’effraie ; n’a-t-elle pas eu déjà assez d’effort à faire pour admettre celui dont l’acceptation lui est strictement nécessaire ? La vie des saints, leurs vertus héroïques, leurs sacrifices sublimes, tout cela l’inquiète. L’action du christianisme dans la société, dans la législation, lui semble léser les droits de ceux qui ne croient pas ; elle entend réserver la liberté de l’erreur et la liberté du mal ; et elle ne s’aperçoit même pas que la marche du monde est entravée depuis que Jésus-Christ n’est plus Roi sur la terre. Or c’est pour ceux dont la foi est si faible et si près du rationalisme, que Jésus ajoute aux paroles de reproche qu’il adressa à Thomas, cette sentence qui ne le regardait pas seul, mais qui avait en vue tous les hommes et tous les siècles : « Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! » Thomas pécha, pour n’avoir pas eu la disposition à croire. Nous nous exposons à pécher comme lui, si nous n’entretenons pas dans notre foi cette expansion qui la mêlerait à tout, et lui ferait faire ce progrès que Dieu récompense par des flots de lumière et de joie au cœur. Une fois entrés dans l’Église, le devoir pour nous est de considérer désormais toute chose au point de vue surnaturel ; et ne craignons pas que ce point de vue, réglé par les enseignements de l’autorité sacrée, nous entraîne trop loin. « Le juste vit de la foi » [28] ; c’est sa nourriture continuelle. La vie naturelle est transformée en lui pour jamais, s’il demeure fidèle à son baptême. Croyons-nous donc que l’Église avait pris tant de soins dans l’instruction de ses néophytes, qu’elle les avait initiés partant de rites qui ne respirent que les idées et les sentiments de la vie surnaturelle, pour les abandonner sans remords dès le lendemain à l’action de ce dangereux système qui place la foi dans un recoin de l’intelligence, du cœur et de la conduite, afin de laisser plus librement agir l’homme naturel ? Non, il n’en est pas ainsi. Reconnaissons donc notre erreur avec Thomas ; confessons avec lui que jusqu’ici nous n’avons pas cru encore d’une foi assez parfaite. Comme lui, disons à Jésus : « Vous êtes mon Seigneur et mon Dieu ; et j’ai souvent pensé et agi comme si vous n’étiez pas en tout mon Seigneur et mon Dieu. Désormais je croirai sans avoir vu ; car je veux être du nombre de ceux que vous avez appelés heureux. »
Par notre foi inébranlable et notre conduite irréprochable rendons témoignage, devant le monde incrédule et impie, à Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Sanctoral
Saint Pierre Canisius, Confesseur et Docteur de l’Église – Veillons à l’enseignement catholique de nos enfants.
Pierre Canisius naquit à Nimègue en Gueldre, l’année même où, en Allemagne, Luther brisait avec l’Église par une révolte ouverte, tandis qu’en Espagne, Ignace de Loyola abandonnait la milice terrestre et se consacrait à soutenir les combats du Seigneur : Dieu voulant sans doute annoncer par cette double coïncidence quels seraient dans la suite ses adversaires et sous quel chef il s’enrôlerait dans la sainte milice. A Cologne où l’avaient amené ses études, Pierre se lia à Dieu par le vœu de chasteté perpétuelle et s’enrôla, peu après, dans la Compagnie de Jésus. Revêtu du sacerdoce, il entreprit aussitôt, par ses missions, ses sermons et ses écrits, de défendre la foi catholique contre les attaques perfides des novateurs. Par deux fois il prit part au Concile de Trente où le désiraient vivement, à cause de sa rare sagesse et de son expérience des affaires, le Cardinal d’Augsbourg et les Pontifes Légats. De plus, sur l’autorité du Souverain Pontife Pie IV, il s’employa à en faire publier et appliquer comme il convenait les décrets en Allemagne.
Envoyé par Paul IV au synode de Petrikan et chargé d’autres missions par Grégoire XIII, il y traita des plus graves affaires de la Religion avec un courage toujours ardent qu’aucune difficulté ne put abattre, et, à travers toutes les circonstances critiques de l’époque, les conduisit à une heureuse fin. On peut à peine exprimer combien, durant plus de quarante ans, embrasé du feu de la divine charité que jadis, dans la basilique vaticane, il avait abondamment puisé au plus profond du Cœur de Jésus, et uniquement voué à l’augmentation de la gloire divine, le Bienheureux accomplit de travaux et endura de souffrances, soit pour préserver un grand nombre de villes et provinces d’Allemagne de la contagion de l’hérésie, soit pour les ramener à la foi lorsqu’elles s’en trouvaient infectées. Aux diètes de Ratisbonne et d’Augsbourg il sut animer les chefs de l’Empire à la défense des droits de l’Église et à la correction des mœurs populaires. En celle de Worms il réduisit au silence l’orgueil et l’impiété des magistrats de cette ville. Préposé par saint Ignace à la Province d’Allemagne il fonda en beaucoup de lieux des résidences ; et des collèges de la Compagnie, apporta tous ses soins à promouvoir et développer le Collège germanique fondé à Rome, remit en honneur ; dans les académies l’étude des sciences sacrées et des humanités regrettablement négligées ; écrivit deux livres admirables contre les Centuriateurs de Magdebourg, enfin composa une somme de doctrine chrétienne universellement et hautement approuvée tant par le jugement des théologiens que par l’usage public de trois siècles, et publia en langue vulgaire pour l’instruction du peuple de nombreux et très utiles ouvrages. Tant de services, qui valurent au Bienheureux-le nom de marteau des hérétiques et de nouvel apôtre de la Germanie, le firent à juste titre regarder comme suscité par Dieu pour être le défenseur de la religion en Allemagne.
Au milieu de tant de travaux Pierre Canisius entretenait avec Dieu une union habituelle par de fréquentes prières, et la méditation assidue des choses surnaturelles, souvent inondé de larmes et parfois ravi en extase. Tenu en grande estime par les personnages les plus importants ou les plus renommés pour leur piété, grandement honoré par quatre Souverains Pontifes, il avait de si bas sentiments de lui-même qu’il se disait et se croyait le dernier de tous. Il refusa à trois reprises l’évêché de Vienne. D’une obéissance admirable envers ses supérieurs, on le voyait prêt, au moindre signe de leur part, à tout abandonner ou entreprendre, même au péril de sa santé et de sa vie. Les rigueurs volontaires qu’il exerçait contre lui-même furent sans cesse les protectrices de sa chasteté. Enfin le Bienheureux, âgé de soixante-dix-sept ans et se trouvant à Fribourg en Suisse où il avait passé les dernières années de sa vie à s’épuiser pour la gloire divine et le salut des âmes, s’en alla vers Dieu le onze décembre quinze-cent-quatre-vingt-dix-sept. Le Pape Pie IX a élevé aux honneurs de la béatification ce vaillant champion de la vérité catholique ; et, de nouveaux miracles l’ayant rendu illustre, le Souverain Pontife Pie XI, en l’année jubilaire 1925, l’inscrivit au nombre des Saints en même temps qu’il le déclarait Docteur de l’Église universelle.
Sainte Zita de Lucques, Vierge, servante, Tiers-Ordre Franciscain séculier
Sainte Zita naquit vers 1218, aux environs de Lucques, dans le village de Bozzanello, situé sur le mont Sagrati. Ses parents étaient de pauvres et pieux laboureurs qui l’éduquèrent selon cette simple proposition : « ceci plaît à Dieu, ceci déplaît à Dieu. » Lorsqu’elle eut douze ans, son père l’envoyait régulièrement vendre des fruits à Lucques ; sa gentillesse lui attira un clientèle bienveillante et fidèle dont la famille des Fatinelli qui était une des plus riches de Lucques. Zita avait dix-huit ans quand les Fatinelli proposèrent de la prendre à leur service. Les parents éprouvèrent un vif chagrin en pensant qu’ils devaient se séparer de leur fille, mais ils voyaient dans cette offre de précieux avantages pour elle et un soulagement pour leurs vieux ans. Ils acceptèrent, non sans appréhension pour les dangers que pouvait entraîner cette nouvelle situation. Jusque-là, ils avaient veillé sur Zita avec une pieuse attention ; d’autre part, la solitude et le calme de la vie champêtre, le spectacle de la belle nature, des arbres et des fleurs contribuaient à ramener doucement l’âme à la pensée de Dieu : qu’adviendrait-il à la servante de grande maison quand ces moyens lui manqueraient et seraient remplacés par le tumulte et le mouvement de la ville ? Les maîtres étaient bons chrétiens, mais ils n’exerceraient pas la vigilance délicate que dicte l’amour du père et de la mère ; d’autre part, il y aurait là d’autres domestiques qui pourraient cesser d’être bienveillants et même aller jusqu’à tendre des pièges à l’innocence de la pauvre fille. Les pieux parents étaient d’autant plus dans l’angoisse qu’ils savaient que notre existence ici-bas ne peut pas s’écouler tout entière a l’abri des épreuves. Les parents de Zita pleurèrent beaucoup en faisant toutes ces considérations ; ils prièrent encore davantage pour ne pas laisser sans ressources la chère enfant quand elle aurait quitté la maison paternelle pour suivre les voies de la Providence. Zita apprit dans sa nouvelle position à devenir plus charitable qu’elle ne l’avait été jusque-là, car elle découvrit la misère des mendiants qui venaient chaque semaine recevoir une aumône dans la maison de ses maîtres ; son cœur fut ému d’une profonde compassion, et elle voulut contribuer à les soulager.
Souvent, elle était choisie comme intermédiaire pour leur transmettre les dons de la dame Fatinelli ; cela ne lui suffisait pas, car si sa main portait l’aumône, ce n’était pas elle qui donnait, ce n’était pas le fruit de son épargne ou de ses privations. Elle pensa pouvoir faire davantage ; elle avait l’habitude de jeûner pendant le Carême, elle crut que le jeûne de toute l’année ne la fatiguerait pas davantage. Elle s’imposa donc la privation de tout autre aliment qu’un morceau de pain chaque matin et réserva les autres aliments qui lui étaient donnés pour les joindre aux autres aemônes qu’elle était chargée de distribuer au nom de sa maîtresse. Quand elle vovait de pauvres familles dont les vêtements étaient déchirés et dont les membres grelottaient de froid, elle les conduisait dans sa chambre, les faisait reposer dans son lit, pendant qu’elle s’étendait sur le carreau à leurs pieds. Elle était d’ailleurs la plus exacte, la plus assidue et surtout la plus fidèle dans tous les devoirs de son service. Elle n’avait demandé à sa maîtresse qu’une seule faveur : aller tous les matins dans l’église la plus proche. Elle prélevait le temps de sa prière sur son sommeil et non sur son ouvrage. Avant le lever du soleil, elle élevait son âme à Dieu, et lui offrait comme autant de moyens de sanctification toutes les occupations de la journée qui commençait. Un jour, pendant une de ses ferventes oraisons, le temps s’écoula de telle sorte qu’au moment où elle quittait l’église, le soleil déjà haut au-dessus de l’horizon lui rappela qu’elle avait dépassé l’heure où elle devait faire un ouvrage indispensable : c’était la préparation (ou la fourniture) du pain nécessaire à toute la maison. Elle se hâta de gagner le logis, se reprochant intérieurement la négligence de son devoir : quand elle arriva, elle trouva toute la pâte préparée et le feu allumé. Elle était convaincue qu’une autre servante, désireuse de lui épargner une réprimande, avait voulu faire sa besogne en son absence, mais quand elle tenta de trouver à qui adresser ses remerciements, personne ne sut ce qu’elle voulait dire, car personne n’avait songé à lui rendre ce service. Dans la simplicité de son cœur, elle en conclut que Dieu avait accordé cette faveur à sa servante qui avait tout oublié pour lui. Cependant, cette grande perfection de Zita qui aurait dû lui gagner tous les cœurs, suscita plus d’un murmure et beaucoup de jalousie autour d’elle ; plusieurs de ses compagnes enviaient l’affection que la dame Fatinelli témoignait à cette fille ; elles s’impatientaient d’entendre qu’on la leur présentait toujours comme un modèle. Elles lui cherchaient querelle, tâchaient de la surprendre en défaut, et, n’y pouvant parvenir, elles dénaturaient ses actions, ses propos, la dénonçaient à leur maîtresse. Quand la dame Fatinelli descendait au milieu de ses serviteurs, et, en conséquence de ces délations, adressait d’injustes reproches à Zita, cellc-ci pensait dans son humilité que ses compagnes agissaient uniquement avec l’intention sincère de la corriger de ses défauts. Elle était toujours prête à se reconnaître coupable de tout ce dont on l’accusait ; dès qu’elle connaissait ses dénonciateurs, elle courait les embrasser avec une effusion ravissante de larmes et de remerciements. Cet esprit de charité et de douceur avait pris en elle un caractère vraiment angélique ; la paix du Seigneur, la paix des âmes, la paix de l’amour en Jésus-Christ finit par triompher de toutes les vexations. Elle régna sans conteste dans l’heureuse maison des Fatinelli.
Une nuit de Noël, qu’il faisait extrêmement froid, Zite se disposait à se rendre à Matines. Son maître lui dit : « Comment cours-tu à l’église par un temps si froid, que nous pouvons à peine nous en défendre ici avec tous nos vêtements ? Toi surtout, épuisée par le jeûne, vêtue si pauvrement, et qui vas s’asseoir sur un pavé de marbre ? Ou bien reste ici pour vaquer à tes saintes oraisons, ou bien prends sur tes épaules mon manteau à fourrures pour te garantir du froid. » Zita, ne voulant pas manquer à un office aussi solennel, s’en allait avec le manteau, lorsque le maître lui dit, comme pressentant ce qui allait arriver : « Prends garde, Zita, que tu ne laisses le manteau à un autre, de peur que, s’il est perdu, je n’en souffre du préjudice, et toi, de rosses fâcheries de ma part. » Elle lui répondit : « Ne craignez pas, monsieur, votre manteau vous sera bien gardé. » Entrée dans l’église, elle aperçut un pauvre demi-nu, qui murmurait tout bas, et qui grelottait de froid ; émue de compassion, Zita s’approcha et lui dit : « Qu’avez-vous, mon frère, et de quoi vous plaignez-vous ? » Lui, la regardant d’un visage placide, tendit la main et toucha le manteau en question. Aussitôt Zita l’ôta de ses épaules, en revêtit le pauvre et lui dit : « Tenez cette pelisse, mon frère, jusqu’à la fin de l’office, et vous me la rendrez; n’allez nulle part, car je vous mènerai à la maison et vous chaufferai près du feu. » Cela dit, elle alla se mettre à l’endroit où elle priait d’ordinaire. Après l’office, et quand tout le monde fut sorti, elle chercha le pauvre partout, au dedans et au dehors de l’église, mais ne le trouva nulle part. Elle se disait en elle-même : « Où peut-il être allé ? Je crains que quelqu’un ne lui ait pris le manteau, et que, de honte, il n’ose se présenter à mes yeux. Il paraissait assez honnête, et je ne crois pas qu’il ait voulu attraper le manteau et s’enfuir. » C’est ainsi qu’elle excusait pieusement le pauvre. Mais enfin, ne l’ayant pu trouver, elle revenait un peu honteuse, espérant toujours néanmoins que Dieu apaiserait son maître, ou inspirerait au pauvre de rapporter le manteau. Quand elle fut de retour à la maison, le maître lui dit des paroles très-dures, lui fit de vifs reproches. Elle ne répondit rien, mais, lui recommandant d’espérer, elle lui raconta comment la chose s’était passée. Il entrevit bien comment la chose s’était passée, mais ne laissa pas de murmurer jusqu’au dîner. A la troisième heure, voilà sur l’escalier de la maison un pauvre qui charmait tous les spectateurs par sa bonne mine, et qui, portant le manteau dans ses bras, le rendit à Zita, en la remerciant du bien qu’elle lui avait fait. Le maître voyait et entendait le pauvre. Il commençait, ainsi que Zita, à lui adresser la parole, lorsqu’il disparut comme un éclair, laissant dans leurs cœurs une joie inconnue et ineffable, qui les ravit longtemps d’admiration. On a cru que ce vieillard était un ange; c’est pourquoi la porte de l’église où elle rencontra le pauvre au manteau a été depuis appelée la porte de l’Ange. Chaque vendredi elle allait en pèlerinage à San-Angelo in Monte, à deux lieues de Lucques ; un jour qu’elle avait été retenue par les travaux de la maison plus que d’ordinaire, elle fut surprise par la nuit. Un cavalier qui suivait le même chemin lui prédit qu’elle périrait dans les précipices si elle continuait à marcher au milieu des ténèbres ; mais quand il arriva, il fut bien saisi de trouver à la porte de l’église celle qu’il croyait avoir laissé loin derrière lui. Sainte Zita avait un grand amour pour sainte Marie-Madeleine et pour saint Jean l’Evangéliste ; une veille de fête de la première, elle voulut aller faire brûler un cierge devant son autel dans une église assez éloignée de Lucques. Elle arriva tard et trouva les portes fermées ; elle alluma son cierge, se mit à genoux et s’endormit. La nuit, un orage terrible s’éleva, la pluie tomba par torrents, et la Sainte reposait ; quand elle se réveilla, les rues étaient couvertes d’eau, mais elle n’avait pas même été touchée par une goutte de pluie, et son cierge brûlait encore. Les portes alors s’ouvrirent devant elle, et quand le curé arriva pour dire la messe, il trouva la Sainte en prières dans cette église qui n’avait pas été ouverte depuis la veille au soir. Les maîtres auraient voulu traiter Zita plutôt en amie qu’en servante, et la décharger des travaux pénibles de la maison. Son humilité ne le permit jamais ; elle conserva jusque dans un âge avancé toutes les habitudes laborieuses de sa jeunesse. En avançant en âge, elle ne relâcha rien de ses pratiques de mortification. Ses dernières années se passèrent dans une prière et une extase presque continuelles. Elle arriva ainsi jusqu’a l’heure marquée par Dieu pour la récompense de son dévouement et de sa foi. La maladie dont elle fut atteinte ne dura que cinq jours ; Zita s’était mise au lit avec une petite fièvre, mais elle annonça que sa fin était proche. De fait, la fièvre s’accrût rapidement, les douleurs devinrent aiguës ; la figure de la malade resta pourtant calme et joyeuse. C’était l’indice du contentement intérieur qu’éprouve une âme quand elle va vers Dieu. Autour du lit se pressaient tous les serviteurs de la maison ; on y voyait aussi de nombreux voisins qui, depuis de longues années, avaient appris à vénérer cette humble servante. En leur présence, Zita reçut le saint viatique et l’extrême-onction avec une tendresse inexprimable. Jésus qui venait reposer sur ses lèvres mourantes possédait depuis longtemps la plénitude de son cœur. L’heure de la mort fut donc pour cette humble fille l’heure d’une réunion p]us intime avec son Dieu ; elle fut saluée par un joyeux Hosanna dans le séjour des bienheureux. Aussitôt qu’elle eut rendu le dernier soupir, une étoile brillante parut au-dessus de la maison où reposait son corps, et les enfants se mirent à crier dans les rues : « la Sainte est morte, allons voir la Sainte dans la maison de Fatinelli. » Toute la ville vint rendre hommage à la vertu de l’honorable servante que Dieu venait de glorifier en la rappelant à lui. Ainsi la vie la plus humble, la plus cachée, quand elle s’écoule avec l’amour de Dieu, égale en splendeur véritable la vie de tous les rois et de tous les puissants de la terre. Zita mourut le 27 avril 1278. Les miracles se multiplièrent tant au tombeau de Zita que, quatre ans après sa mort, l’évêque de Lucques permit de lui rendre un culte public qui se répandit rapidement en Italie, en Espagne, en Angleterre et dans toute l’Europe. Il y eut par trois fois, en 1446, en 1581 et en 1652, ouverture de son cercueil où le corps fut trouvé parfaitement intact, dans un état de parfaite conservation. Il est enchâssé et gardé avec beaucoup de respect dans l’église Saint-Fridien.
Zita a été canonisée par le Pape Innocent XII en 1696. Elle est la patronne de Lucques ; les servantes et les femmes de charge l’invoquent comme leur spéciale protectrice. De la chaumière du mont Sagrati, qui avait abrité le berceau de l’humble Sainte, on a fait une chapelle qui lui est dédiée. On donne pour attributs à sainte Zita un trousseau de clefs suspendu à sa ceinture et une cruche : les clefs rappellent qu’elle fut investie de la confiance de ses maîtres, et la cruche, le miracle qu’elle fit de changer l’eau en vin au bénéfice des pauvres. On montre encore à Lucques le puits où elle prit de l’eau pour faire ce miracle. On l’a aussi représentée debout devant les portes de la ville, et la sainte Vierge venant lui ouvrir le guichet. La miséricordieuse Marie dut rendre ce service à sa servante un soir que celle-ci s’était attardée à ses bonnes œuvres. Une vieille gravure allemande la représente sous les traits d’une jeune fille accorte, revêtant le vieillard de la pelisse de son maître.
Sainte Zita avait un grand amour pour sainte Marie-Madeleine et pour saint Jean l’Evangéliste.
Au Grand-Duché de Luxembourg : BV Marie Consolatrice des affligés
Au XVII° siècle une dévotion particulière s’est développée envers Marie Consolatrice-des-Affligés dans l’église du collège des Jésuites de Luxembourg (aujourd’hui cathédrale de Luxembourg) et s’est répandue dans la région avoisinante (le duché de Luxembourg et diocèse de Trèves). Un pèlerinage marial annuel à Notre-Dame, Consolatrice-des-Affligés y est toujours organisé, durant le mois de mai.
Ce pèlerinage à Marie, Consolatrice-des-affligés, voit le jour en 1624 durant une période d’errements et de schisme, de peste et de guerre. Les pères jésuites la promeuvent dans le duché de Luxembourg et diocèse de Trèves. Nombre de chapelles sont dédiées à la Consolatrice-des-Affligés (dont Torgny). Lorsque l’église des Jésuites devient la cathédrale du diocèse de Luxembourg, en 1848, celle-ci – qui avait été dédiée à saint Pierre au début du XIX° siècle – reprend l’ancien titre de « Notre-Dame, Consolatrice des Affligés ». Les pèlerinages y reprennent aussi au XIX° siècle.
En Iran, la cathédrale de l’archidiocèse d’Ispahan est dédiée à « Marie, Consolatrice des Affligés ». Elle se trouve à Téhéran.
Martyrologe
Saint Pierre Canisius, prêtre de la Compagnie de Jésus, confesseur et docteur de l’église. Il s’en alla vers le Seigneur le 12 des Calendes de janvier (21 décembre).
A Nicomédie, l’anniversaire de saint Anthime, évêque et martyr. Lors de la persécution de Dioclétien, il eut la tête tranchée pour avoir confessé le nom du Christ et obtint ainsi la gloire du martyre. Presque tout son troupeau le suivit: par sentence du juge, les uns furent décapités, les autres livrés aux flammes, d’autres furent mis sur des barques pour être noyés dans la mer.
A Tarse, en Cilicie, les saints Castor et étienne martyrs.
A Bologne, saint Tertullien, évêque et confesseur.
A Brescia, saint Théophile évêque.
En Egypte, saint Théodore abbé, disciple de saint Pacôme.
A Constantinople, saint Jean abbé, qui combattit vaillamment, sous Léon l’Isaurien, pour le culte des saintes images.
A Tarragone, en Espagne, le bienheureux Pierre Armengol, de l’Ordre de Sainte-Marie de la Merci, pour le rachat des captifs. Après avoir beaucoup souffert en Afrique pour la délivrance des fidèles, il finit saintement ses jours au monastère de Sainte-Marie des Prés.
A Lucques, en Toscane, la bienheureuse Zita vierge, célèbre par la renommée de ses vertus et de ses miracles.
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