Après le document de la Rand Corporation qui préconise un arrête rapide du conflit en Ukraine, le langage change à Washington. Le réel ramène tout ce petit monde atlantiste à la volonté de négocier, et les promesses faites à Zelensky n’engagent en somme que celui qui les a écoutées.

L’Ukraine n’a pas les capacités nécessaires pour forcer les troupes russes à quitter la Crimée

C’est l’information, rapportée pour la première fois par Politico, faite par quatre hauts responsables du Pentagone lors d’un briefing confidentiel pour le Comité des services armés de la Chambre des représentants des États-Unis. Un avis difficile à accepter pour l’armée de Kiev, qui considère la reconquête de la péninsule perdue en 2014 comme une priorité pour se rapprocher de la fin de la guerre.

En marge du forum de Davos cette année, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait déclaré, s’adressant aux dirigeants occidentaux, qu’en recevant leurs armes les Ukrainiens pourraient « reconquérir leurs terres ». Et la direction militaire américaine, divisée à Washington entre « faucons » et « colombes », était d’accord avec les propos de Zelensky, mais pour une raison plus instrumentale : en effet, en chassant la Russie de Crimée, Vladimir Poutine pourrait décider de réduire l’intensité du conflit. Peut-être un vain espoir.

« Nous ne commenterons pas les briefings confidentiels à huis clos ni ne discuterons de spéculations sur d’éventuelles opérations futures » a déclaré la porte-parole du Pentagone, Sabrina Singh.

« En ce qui concerne la capacité de l’Ukraine à combattre et à reprendre un territoire souverain, ses performances remarquables pour repousser l’agression russe et sa capacité d’adaptation continue sur le champ de bataille parlent d’elles-mêmes. »

L’importance de la Crimée pour la Russie

Le Kremlin utilise la Crimée comme avant-poste stratégique. Tout d’abord, grâce au port de Sébastopol, c’est la base de référence de la flotte de la mer Noire, le ministère russe de la Défense l’utilise également comme hub pour les centaines de milliers de conscrits qui seront envoyés au front après la mobilisation partielle annoncée il y a quelques mois.

De plus, sur le plan juridique, la Crimée est – du moins selon Moscou – « une partie intégrante du territoire de la Fédération de Russie ». Cela suffirait, du moins selon la doctrine nucléaire de Moscou, à justifier l’utilisation d’armes nucléaires en cas d’attaque ukrainienne, bien que la communauté internationale, faisant appel à juste titre à la Charte des Nations Unies, ait condamné l’annexion manu militari qui a eu lieu en 2014. Mais durant ce conflit, les forces ukrainiennes ont pris à plusieurs reprises pour cible la péninsule qu’elles convoitent depuis neuf ans.

Une contre-offensive à l’horizon

L’explosion sur le pont de Kertch, symbole de l’occupation russe, a déclenché une réaction conventionnelle, avec un déluge de bombardements aveugles dans toute l’Ukraine qui a mis à genoux infrastructures et lignes tout au long de l’automne électrique du pays. Désormais, avec la livraison de nouveaux missiles à longue portée Glsdb, Kiev pourrait frapper plus fréquemment des cibles militaires dans la région, en vue d’une attaque organisée.

Pendant ce temps, la flotte de la mer Noire continue de se déplacer frénétiquement dans ce que les Russes eux-mêmes ont défini comme des « exercices ».

L’avantage de Poutine n’est donc pas que numérique dans ce cas précis : le Kremlin mène une guerre d’usure et serait prêt à déployer tous ses moyens sur le terrain afin de retenir la Crimée, forçant le monde entier à reconnaître officiellement la souveraineté russe obtenue au mépris du droit international.

L’objectif déclaré de chasser les Russes de toute l’Ukraine n’est plus considéré comme réaliste

Ainsi, les élites américaines, du moins dans une partie importante d’entre elles, ont pris conscience que faire de la guerre en Ukraine, une guerre infinie, n’est pas commode, voire pourrait être contre-productif. La deuxième chose est que l’objectif déclaré de chasser les Russes de toute l’Ukraine n’est plus considéré comme réaliste. Beaucoup le disent maintenant, certains expliquant que la Crimée restera sous contrôle russe, certains ajoutant une partie du Donbass à la Crimée car le reprendre sera compliqué.

Le journal de l’intelligentzia américaine Bloomberg l’écrit également dans un article confus. C’est peut-être la partie la plus intéressante de la note :

« L’objectif de Washington est une Ukraine militairement défendable, politiquement indépendante et économiquement viable ; cela n’inclut pas nécessairement la reprise de zones qui seront difficiles à reprendre, comme l’est du Donbass ou la Crimée ».

Les dernières déclarations du chef de la CIA, William Burns viennent confirmer ce tournant stratégique étatsunien et la volonté de Washington de terminer au plus vite ce conflit :

« il faut lui faire comprendre [à Poutine, ndlr] qu’il ne sera pas seulement en mesure d’avancer en Ukraine mais qu’à chaque mois qui passe court le risque de perdre tout le territoire qu’il a engrangé ».

Ce qui en substance est une reconnaissance de l’annexion de ces territoires.

D’ailleurs, après que l’Empire a parlé, même nos « experts » de plateaux français l’admettent : l’idée n’est plus de chasser la Russie de tout le territoire ukrainien conquis, et certainement pas de la Crimée. On est bien loin de la « déportation des Russes de Crimée » envisagée très sereinement par le journaliste de gauche Jean Quatremer il y a à peine deux jours, sur LCI, dans l’émission d’un David Pujadas acquiesçant à cette immense sottise. Une occasion où tous ces journalistes stupides ont oublié de se taire… mais ont montré, en revanche, à quel point ils sont déconnectés de la réalité du terrain et des rapports de forces. 

Francesca de Villasmundo

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