Peut critiquer une décision de justice ?

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Crédit photo : DR

« Il est permis de critiquer une décision de justice et de critiquer le juge qui l’a prise. »

Le mardi 18 février 2025, Jean-Yves Le Gallou, ancien député européen et ancien conseiller régional d’Île-de-France, comparaissait devant la XVIIe Chambre correctionnelle du Tribunal de Paris. Il était poursuivi pour avoir critiqué sur Twitter (devenu « X ») une ordonnance par laquelle le Tribunal administratif de Paris avait suspendu l’expulsion de l’imam Hassan Iquioussen le 5 août 2022. Bien que le Conseil d’Etat a confirmé cette expulsion par ordonnance du 30 août 2022, une procédure avait été initiée contre Jean-Yves Le Gallou non seulement pour avoir publiquement critiqué la suspension de l’expulsion, mais aussi pour avoir nommément cité un des juges ayant rendu l’ordonnance de suspension.

Un discours peu compatible avec les « valeurs de la République ».

Qui est l’imam Hassan Iquioussen[1] ? Né le 2 juin 1964 à Denain dans le département du Nord, Hassan Iquioussen est de nationalité marocaine. Ayant suivi sa scolarité en France, il a obtenu un baccalauréat général littéraire, puis une licence d’arabe et une maîtrise d’histoire. Inscrit en DEA d’histoire, il a alors abandonné ses études pour se consacrer à l’islam.

Profondément croyant, Hassan Iquioussen a commencé à prêcher à l’âge de 17 ans tout en étudiant l’islam en autodidacte, avant d’être pris en charge par le Docteur Mohamed Jamal, un proche des Frères musulmans dans le Nord de la France. Surnommé « le prêcheur des cités », Hassan Iquioussen fut un des fondateurs des Jeunes Musulmans de France (JMF) et fut rapidement considéré comme un « intégriste », notamment au moment de l’affaire dite du « foulard islamique » survenue au lycée Faidherbe de Lille en 1994.

Proche de Tarik Ramadan, Hassan Iquioussen fut fiché « S » en février 2021. A la fin du mois de janvier 2022, le Figaro publia les déclarations d’un témoin affirmant que Hassan Iquioussen prêchait le « djihad armé » et le combat contre la France. La même année, la Préfecture du Nord refusa le renouvellement de son titre de séjour au motif de discours « haineux envers les valeurs de la République, dont la laïcité », mais aussi envers « l’égalité entre les femmes et les hommes », ainsi que le développement de thèses « antisémites » et « complotistes autour de l’islamophobie ».

Le 29 juillet 2022, le ministre de l’Intérieur signa l’arrêté d’expulsion d’Hassan Iquioussen vers le Maroc. Le 1er août 2022, Hassan Iquioussen saisit le Tribunal administratif de Paris suivant la procédure du référé-liberté pour faire suspendre l’arrêté d’expulsion pris à son encontre. Le 5 août 2022, le Tribunal administratif de Paris suspendait l’expulsion d’Hassan Iquioussen[2] en considérant que, compte tenu des éléments figurant au dossier, « l’expulsion de M. Iquioussen présenterait un caractère disproportionné et serait prononcée en violation manifeste du droit au respect de sa vie privée et familiale. » C’est la décision commentée par Jean-Yves Le Gallou.

Deux tweets et un procès.

L’ordonnance fut rendue le 5 août. Le jour même, à 15 heures 28, Jean-Yves Le Gallou publia un premier tweet en ces termes :

« Il est permis de s’interroger sur la motivation réelle du juge qui a autorisé #Hassaniquioussen à rester en France :

  • surinterprétation des textes ?
  • militantisme idéologique ?
  • trouille des islamistes ?

Un petit juge a-t-il le droit d’abolir les frontières de la France ? »

On voit que deux questions ressortaient de la réaction de Jean-Yves Le Gallou. D’abord, une question de nature juridique, mais aussi personnelle : qu’est-ce qui a motivé la décision du juge ? Ensuite, une question davantage liée à la fonction judiciaire : entre-t-il dans les compétences des magistrats d’abolir, par les décisions qu’ils prennent, la notion de frontière à laquelle les arrêtés d’expulsion se rapportent nécessairement ?

Une heure plus tard, à 16 heures 33, Jean-Yves Le Gallou publia un second tweet précisant les références du jugement et nommant son auteur :

« Par l’ordonnance 22-16-413 la juge FLORENCE NIKOLIC a ouvert un droit A l’immigration aux étrangers indésirables en France en faveur de l’imam #Hassaniquioussen . Conseiller de tribunal administratif depuis 2002 elle fut détachée comme sous-préfet à la ville dans le Pas-de-Calais. »

Ce deuxième tweet peut être regardé comme confirmatif du premier en ce qu’il donne les références du jugement : c’est le numéro de l’ordonnance. Il donne aussi l’identité et un bref résumé de la carrière du juge, conseiller de tribunal administratif ayant exercé un temps la fonction de sous-préfet à la ville dans le Pas-de-Calais. Les sous-préfets à la ville ou, plus exactement, à la politique de la ville, sont chargés de la mise en œuvre et de l’évaluation de la politique de la ville, c’est-à-dire, de la mobilisation de l’ensemble des politiques pour le développement des quartiers identifiés comme cumulant les difficultés de tous ordres. Une façon d’indiquer que la personne en question ne pouvait ignorer la réalité du fondamentalisme islamique et de ses manifestations.

On constate que les propos de Jean-Yves Le Gallou étaient mesurés. Il a appelé l’opinion à s’interroger sur les raisons qui ont motivé le juge pour arriver à une décision surprenante : interprétation des textes, adhésion à une idéologie ou peur. Il a aussi donné les références du jugement ainsi que le nom et la qualité d’un juge. A ce propos, n’est-ce pas le droit de tout citoyen de connaître le nom et la qualité du fonctionnaire chargé d’un dossier ? L’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 pose que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

La liberté d’expression n’est pas un acquis, mais une conquête toujours menacée.

Les tweets de Jean-Yves Le Gallou exprimaient le point de vue de cet inlassable observateur de la vie publique. Ils ouvraient aussi un débat sur les problématiques de l’immigration, de l’islamisme, de la séparation des pouvoirs, de la place du pouvoir judiciaire dans notre société et des limites qui devraient le borner. Or, la juge nommément désignée n’a pas choisi de débattre mais de réprimer.

Ainsi, le 28 août 2022, l’hebdomadaire Marianne, dans un article intitulé « L’avocate de l’imam Iquioussen menacée de mort : une enquête est ouverte », ajoutait que « L’une des trois magistrats qui a signé l’ordonnance de suspension de l’expulsion de l’imam a elle aussi été menacée et a vu son nom publié sur Twitter. Une plainte a été déposée[3]. »

L’enquête et l’instruction ont été longues puisque c’est seulement le 18 février 2025 que Jean-Yves Le Gallou a été appelé à comparaitre devant le Tribunal correctionnel. Face à ses juges, il a plaidé « la liberté d’expression au service d’un débat d’intérêt général[4] ». En termes clairs, Jean-Yves Le Gallou affirmait sa liberté de concevoir une opinion différente de celle des juges dans l’affaire Iquioussen, d’exprimer cette opinion et de l’exprimer publiquement. La notion de débat sous-entend qu’il était disposé à entendre des arguments contradictoires et à en discuter. La qualification « d’intérêt général » rappelle que l’immigration, surtout quand elle a pour corollaire le fondamentalisme islamique, est un des défis auxquels notre société va devoir répondre dans les toutes prochaines années.

Cette argumentation a convaincu le tribunal correctionnel qui, le 8 avril 2025, a relaxé Jean-Yves Le Gallou en indiquant que « les propos poursuivis se présentent comme la critique d’une décision de justice, laquelle est librement admissible dès lors qu’elle ne dégénère pas en abus de la liberté d’expression[5] ».

Tout le raisonnement du juge pénal tient dans cette simple phrase. La critique d’une décision de justice est librement admissible, dès lors qu’elle ne dégénère pas en abus de la liberté d’expression. Ce qui signifie qu’on peut librement user de sa liberté d’expression, même pour critiquer une décision de justice, à condition de ne pas abuser de sa liberté. Mais qui déterminera si oui ou non l’usage de la liberté de s’exprimer a été abusif ? Le juge, bien sûr ! Dans le cadre d’un procès pénal.

André Murawski – 10 avril 2025

Notes de bas de page

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Hassan_Iquioussen

[2] https://blog.landot-avocats.net/2022/08/05/affaire-hassan-iquioussen-rebonds-contentieux/

[3] https://www.marianne.net/societe/police-et-justice/lavocate-de-limam-iquioussen-menacee-de-mort-une-enquete-ouverte

[4] https://www.bvoltaire.fr/proces-de-j-y-le-gallou-il-faut-prendre-les-choses-avec-serenite/

[5] https://www.breizh-info.com/2025/04/09/245721/tentative-de-terreur-judiciaire-contre-jean-yves-le-gallou-relaxe-face-a-la-censure-ideologique/

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