Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, quinze août
En date du 1er novembre 1950 Pie XII a promulgué la Constitution Apostolique Munificentissimus Deus définissant le dogme de l’Assomption.

Profer lumen Cæcis

[Donne la lumière aux aveugles, Hymne Ave Maris Stella]

Le grand Pontife Pie XII a proclamé le dogme de l’Assomption au ciel de la Très Sainte Vierge Marie le 1er novembre 1950 avec la Bulle Munificentissimus Deus :

« C’est pourquoi, après avoir adressé à Dieu d’incessantes et suppliantes prières, et invoqué les lumières de l’Esprit de vérité, pour la gloire du Dieu Tout-Puissant, qui prodigua sa particulière bienveillance à la Vierge Marie, pour l’honneur de son Fils, Roi immortel des siècles et vainqueur de la mort et du péché, pour accroître la gloire de son auguste Mère et pour la joie et l’exultation de l’Église tout entière, par l’autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux apôtres Pierre et Paul, et par la Nôtre, Nous proclamons, déclarons et définissons que c’est un dogme divinement révélé que Marie, l’Immaculée Mère de Dieu toujours Vierge, à la fin du cours de sa vie terrestre, a été élevée en âme et en corps à la gloire céleste. »

Ces paroles solennelles constituent le dernier dogme défini par la Sainte Église, avant la douloureuse éclipse qui, depuis plus de soixante ans, obscurcit l’Épouse de l’Agneau. La fin de ce glorieux Pontificat a marqué le début d’un Calvaire qui approche aujourd’hui de son épilogue. La passio Ecclesiæ, la passion du Corps Mystique sur le modèle de la Passion et de la Mort de son divin Chef, est un mystère que nous avons cru concernait les membres individuels de l’Église – selon les paroles de l’Apôtre, à mon tour, j’accomplis dans ma chair ce qui manque encore aux souffrances du Christ pour son corps, qui est l’Église (Col 1, 24) – mais que les événements dont nous sommes témoins nous montrent dans sa dimension sociale et ecclésiale. C’est tout le Corps Mystique qui doit souffrir, mourir et ressusciter, afin de triompher avec le Roi immortel des siècles.

La Vierge Marie est mystiquement associée à la Passion de son divin Fils : nouvelle Eve, elle a souffert et pâti les douleurs du Christ, nouvel Adam, méritant le titre de Co-Rédemptrice. Sa glorieuse Assomption au ciel en corps et en âme est pour nous une source de joie et de consolation, non seulement à cause de ce privilège que le Seigneur a voulu réserver – parmi les autres privilèges – à sa Mère ; mais aussi parce qu’Elle, Mère et Reine de l’Église, est la figure de cette Jérusalem céleste, beata pacis visio, qui est l’Église elle-même. En Elle, nous voyons s’accomplir la volonté de Dieu, dans l’humilité et l’obéissance dont Jésus-Christ a rendu témoignage au Père éternel, et que l’Église fait siennes dans la profession de l’unique Foi et dans le lien de la Charité.

La Vierge de l’Assomption méritait de ne pas connaître la corruption du corps, comme Notre-Seigneur ne la connut pas. La tradition orientale dès les premiers siècles nous montre une foi ininterrompue en cette vérité : les représentations de la dormitio Virginis nous présentent la Vierge sur son lit de mort, entourée des Apôtres, tandis que son âme – jeune comme celle d’une enfant – est accueillie dans le sein de la Très Sainte Trinité.

Mais si la Vierge Marie est figure de l’Église, si Elle en est la Mère au point de nous avoir engendrés à la Grâce dans les douleurs qu’Elle a endurées mystiquement avec la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, si Elle en est Dame et Reine par grâce, pour nous avoir rachetés en vertu des mérites de la Co-Rédemption, nous pouvons espérer que l’Église elle-même se verra en quelque sorte assomptée au ciel, comme dans la vision de Saint Jean : « J’ai vu la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, descendre du ciel d’auprès de Dieu, préparée comme une épouse parée pour son époux (Ap 21, 2). Et qui est Celle-ci, prête comme une épouse parée pour son Époux, si ce n’est la Mater Ecclesiæ, la Vierge Immaculée, Mère de Dieu et notre Mère ? C’est Elle, dans la puissance de sa très sainte humilité et de sa pureté sans tache, qui résume en Elle la vision de l’Apôtre bien-aimé. C’est Elle qui se lève comme l’aurore, belle comme la lune, brillante comme le soleil, terrible comme une armée rangée en bataille (Cantique 6, 10). C’est Elle est la demeure de Dieu avec les hommes (Ap 21, 3) : l’épouse de l’Agneau (Ap 21, 9), dont la splendeur est comme celle d’un joyau très précieux, comme une pierre de jaspe cristalline (ibid., 11) : elle n’a pas besoin de la lumière du soleil ou de la lumière de la lune parce que la gloire de Dieu l’illumine et que sa lampe est l’Agneau (ibid., 23).

La Sainte Église aussi, comme sa Reine, est une ville sainte qui rassemble ses enfants de toutes les parties du monde et de toutes les époques : rien d’impur n’entrera en elle, ni ceux qui commettent l’abomination ou le mensonge, mais seulement ceux qui sont inscrits dans le livre de vie de l’Agneau (ibid., 27). Celui qui est victorieux héritera de ces biens, je serai son Dieu, et il sera mon fils. Mais pour les lâches et les incrédules, les renégats et les meurtriers, les immoraux, les sorciers, les idolâtres et pour tous les menteurs, le lac brûlant de feu et de soufre est réservé. C’est la seconde mort (ibid., 7-8).

La vision de Patmos nous montre l’Église triomphante, qui en cela est semblable à la Vierge Marie. Mais sur cette terre, l’Église – qui est militante comme celle qui est victorieuse de toutes les hérésies – ne connaît pas encore la gloire éternelle et doit affronter les terribles épreuves qui l’attendent non seulement au cours de son pèlerinage à travers les siècles, mais aussi et surtout dans les derniers temps, lorsque la persécution de l’Antichrist fera rage contre elle dans l’illusion de la vaincre. Et tandis que l’Église apparaît moquée, humiliée et mortellement blessée – comme le Sauveur a été moqué, torturé et tué – ses ministres fuient, se cachent, nient connaître le Galiléen. Seule, avec saint Jean, la Vierge Douloureuse demeure au pied de la Croix, accomplissant dans sa chair très pure ce qui manque aux souffrances du Christ. Et dans ce témoignage silencieux, où la douleur de l’âme dépasse incomparablement les souffrances physiques, la Très Sainte Vierge Marie est un exemple pour ceux qui, dans ces terribles moments de crise et d’apostasie, restent au pied de la croix à laquelle la Sainte Église est suspendue, mourante. Eux aussi, et nous avec eux, nous souffrons en voyant le Corps Mystique crucifié, sur les traces de son Chef. Et nous devons tous avoir dans la Mère de Dieu notre guide, notre modèle, l’étoile qui nous montre le chemin douloureux de la Croix comme seul chemin vers la gloire de la vision béatifique.

Ne nous étonnons pas si les ennemis du Christ cherchent aussi à obscurcir la Vierge Marie : ils la craignent plus que le Seigneur, parce qu’ils savent que c’est à Elle, et à aucune autre créature, que la Providence a confié l’Église et chaque baptisé – Auxilium Christianorum – et que ce sera Elle qui détruira la Synagogue de Satan.

Prions, chers frères, pour que cette passio Ecclesiæ ouvre les yeux des tièdes encore engourdis dans leur sommeil spirituel. Demandons à la Vierge de l’Assomption de rendre la vue aux aveugles – profer lumen cæcis, nous chantons dans l’ancienne hymne Ave, Maris stella – afin qu’ils voient et comprennent que l’unique véritable Église du Christ ne peut pas avoir la paix avec le monde, parce qu’Elle ne lui appartient pas et qu’Elle en est même l’ennemie. Pour qu’ils voient et comprennent que les lâches et les incrédules, les renégats et les meurtriers, les immoraux, les sorciers, les idolâtres et tous les menteurs (Apocalypse 21:7) ne peuvent prendre part au banquet de l’Agneau qu’en se convertissant, en se repentant et en réparant le mal qu’ils ont commis. Et si la tromperie de l’Ennemi a forgé une contrefaçon de cette unique Arche du salut, notre réponse ne peut pas être de fuir ou de nous cacher, mais de rester proches du Seigneur mourant et de Sa Très Sainte Mère, comme Saint Jean.

Nous attendons avec confiance le jour béni où le Seigneur reviendra dans la gloire pour récapituler toutes choses en Lui-même, pour restaurer Sa Seigneurie universelle une fois pour toutes. Il répétera à l’Église les paroles qu’il a adressées à la Très Sainte Vierge Marie : Lève-toi, mon amie, ma belle, et viens ! Ma colombe, qui te tiens dans la fente du rocher, dans l’abri des falaises, montre-moi ton visage, fais-moi entendre ta voix, car ta voix est douce, ton visage est charmant (Ct 2, 13-14).

C’est alors que nous verrons la Vierge Immaculée, la Femme vêtue du soleil et avec la lune sous ses pieds, couronnée de douze étoiles (Ap 12, 1) descendant du ciel comme la Jérusalem céleste, foulant de son talon virginal la tête de l’ancien Serpent (Gn 3, 15). Son humilité vaincra l’orgueil rebelle de Satan, Sa pureté écrasera l’esprit impur, Sa fidélité vaincra la trahison et l’apostasie. Ainsi soit-il.

+ Carlo Maria Viganò, archevêque

15 Août MMXXIV a. D.ñi, In Assumptione B.M.V.

© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò

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