Ascension de Notre Seigneur
Hommes de Galilée, de quoi vous émerveillez-vous en levant les yeux vers le ciel ?

Quid miramini aspicientes in cælum? [Ac 1, 11]

Dans l’introït de la Messe d’aujourd’hui, nous avons chanté : Viri Galilæi, quid admiramini aspicientes in cælum ? Hommes de Galilée, de quoi vous émerveillez-vous en levant les yeux vers le ciel ? Les deux anges le demandent aux Apôtres, absorbés à regarder le Seigneur monter. La question des messagers célestes est rhétorique : le miracle qui déroge aux lois de la nature n’est rien, comparé au miracle de la Résurrection dont ils seront témoins jusqu’au martyre.

Pourquoi êtes-vous surpris de voir le Seigneur monter au ciel ? Êtes-vous surpris de Le voir monter miraculeusement pour disparaître dans les nuées, ou vous étonnez-vous qu’Il vous laisse seuls, maintenant qu’Il est ressuscité et peut restaurer le royaume d’Israël (Actes 1, 6) ? Mais ne vous a-t-Il pas déjà dit : Je vais préparer la place pour vous. Et quand je serai parti, et que j’aurai préparé la place pour vous, je reviendrai, et vous emmènerai avec moi, afin que là où je suis, vous soyez aussi (Jn 14, 2-3) ?

Pourquoi le Seigneur n’est-il pas resté avec nous ? S’Il n’était pas monté au ciel si tôt, bien plus : s’Il était encore ici sur terre, Il aurait pu voyager et faire connaître son Évangile avec l’autorité d’un Dieu fait homme, mort et ressuscité. Le Christianisme se serait répandu plus rapidement et avec plus de succès, épargnant même la vie de nombreux Martyrs. Si le Seigneur était resté ici sur terre, Il aurait pu vraiment restaurer, dans l’Église Catholique, le royaume d’Israël, puisqu’Il aurait Lui-même gouverné comme Pontife et comme Roi. Il aurait traversé les siècles sans vieillir, et cela aurait suffi à convertir le monde à Lui. C’est pourquoi les Apôtres sont étonnés : parce qu’ils agissent et pensent encore selon la mentalité du monde.

Notre Seigneur, après trente ans de vie retirée et trois ans de ministère, vainc en trois jours avec sa Passion et sa Mort l’ancien Serpent, regagnant au salut éternel au prix de son très précieux Sang toute âme sauvée du péché d’Adam. Il nous a rachetés, Il nous a achetés esclaves du diable pour nous rendre libres d’être non plus des esclaves, mais des amis (Jn 15, 15). Dans les quarante jours qui ont suivi la Résurrection, Il a enseigné aux Apôtres les vérités de la Foi et à célébrer les Sacrements, et à la fin de ce « séminaire » accéléré tenu par nul autre que le Seigneur en personne, le temps est venu de quitter le Cénacle : Allez dans le monde entier, prêchez l’Évangile à tous les hommes. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé : celui qui ne croira pas sera condamné (Mc 16, 15-16). C’est Son dernier commandement, Son héritage avant qu’Il ne quitte cette terre.

Seulement dix jours s’écoulent entre l’Ascension du Seigneur et la descente du Saint-Esprit : Vous recevrez la puissance du Saint-Esprit, qui viendra sur vous, et vous serez Mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, en Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre (Actes 1, 7). Les flammes du Paraclet qui s’arrêtent sur la tête des Apôtres et de la Sainte Vierge le jour de la Pentecôte, donnent naissance à la Sainte Église, Corps Mystique du Christ, et à partir de ce moment les portes du Cénacle – jusque-là fermées par crainte des Juifs (Jn 20, 19) – s’ouvrent et des personnes renouvelées sortent, re-nées dans l’Esprit Saint, qui ne pensent plus selon l’esprit du monde, mais selon Dieu. Nous le chanterons dans quelques jours : Emitte Spiritum tuum, et creabuntur ; et renovabis faciem terræ. Au moment où ils se sont laissés toucher par la Grâce, ils ont changé leur façon de penser. Et c’est à cause de cela qu’ils comprennent la nécessité de l’Ascension. L’Église naît lorsque les Onze qui sont restés fidèles à leur Maître comprennent que le vide laissé sur cette terre par le Seigneur, cet espace de temps qui va de Son Ascension au ciel à Son retour dans la gloire à la fin des temps, doit être utilisé pour faire fructifier les trésors infinis des Mérites de la Passion du Christ, avec la prédication de l’Évangile à toutes les nations, avec le témoignage de notre Foi, avec la conversion des âmes à l’unique Pasteur dans l’unique Troupeau, dans l’unique Baptême, dans l’unique profession de Foi.

La Sainte Église est la continuation de la présence de Son Chef divin jusqu’à la fin du monde. C’est dans son sein très pur – le Saint des Saints, l’Autel de Dieu – que descend, dans le Saint Sacrifice de la Messe, sous les voiles eucharistiques, le Seigneur avec son Corps et son Sang glorieux, Son Âme et Sa Divinité. Et ce sont des hommes qui accomplissent ce miracle ineffable, grâce auquel Notre Seigneur Jésus-Christ demeure sur cette terre, présent aux yeux de la Foi, prisonnier du Tabernacle, afin qu’avec Saint Thomas nous puissions Le reconnaître et L’adorer comme notre Seigneur et notre Dieu, même sans mettre nos doigts dans ses saintes Plaies.

tLe Très Saint Sacrement de l’Autel, cœur palpitant de la Sainte Église, est le don divin du Seigneur montant au ciel à ses fidèles, qu’Il laisse sur cette terre d’exil, dans cette vallée de larmes, sur ce champ de bataille qui ne connaît jamais de répit. Et tandis que nous nous souvenons du mystère de l’Ascension en éteignant symboliquement le Cierge pascal au chant de l’Evangile, une autre flamme reste allumée : c’est celle de la lampe rouge qui brûle à côté du Tabernacle. Elle honore la Présence du Roi des rois, qui dans son infinie magnificence s’humilie en s’exposant à l’irrévérence, au sacrilège, à la profanation des méchants, attendant la consolation de nous voir prosternés devant Lui, Le prier, Le remercier pour les faveurs accordées ; de L’implorer pour une grâce, de Lui demander pardon pour nos péchés, de Le recevoir dans la Très Sainte Eucharistie et de faire de notre âme le temple de la Très Sainte Trinité. De placer en Lui toute notre foi, toute notre espérance, tout notre amour : fac me tibi semper magis credere, in te spem habere, te diligere.

Si Notre Seigneur avait voulu Son triomphe selon la mentalité du monde, Il nous aurait créés sans libre arbitre, nous programmant pour ne faire que Sa volonté, sans mérite et sans possibilité de pécher. Il n’aurait même pas créé les Anges, évitant d’avoir contre Lui les rangs des esprits rebelles. Il nous aurait rendus tous égaux, nous répartissant également sur la planète, nous équipant du strict nécessaire et contrôlant chacune de nos actions. En bref, Il aurait agi comme Klaus Schwab, qui voudrait nous asservir et effacer ce qui nous rend humains, et notre Créateur merveilleusement divin : notre unicité, notre liberté de L’aimer et de retourner avec notre misère la magnificence de ses grâces.

Le « triomphe » du Seigneur ne s’accomplit pas selon la mentalité du monde, car s’il en était ainsi, ce ne serait qu’une illusion, un feu d’artifice éphémère, comme toutes les choses du monde qui ne viennent pas de Dieu. Le «trimphe » du Christ se produit avec cette délicatesse du père qui laisse au fils la satisfaction de lui démontrer ses capacités, fruit tiré de l’enseignement paternel. Comme l’artisan qui, devant s’absenter, laisse l’atelier au plus expérimenté, pour lui donner l’occasion de confirmer la confiance bien placée. Et il sait que lorsqu’il reviendra, il ne sera pas déçu.

Notre Seigneur monte au ciel parce qu’à partir de ce moment, chacun de nous – et en particulier les Successeurs des Apôtres – a le mandat d’annoncer le salut de Dieu dans un monde rebelle et apostat, d’apporter la lumière du Christ dans les ténèbres du péché et de la mort. Je vous envoie comme des brebis parmi les loups (Mt 10, 16), nous a-t-Il dit, nous prédisant qu’il suffit au disciple d’être comme son maître, et au serviteur comme son seigneur. (Mt 10, 25). C’est est un moment d’épreuve, qui dure depuis deux mille ans : l’Église continue de rendre le Christ présent sur la terre, et de L’offrir mystiquement au Père. Mais combien de loups, déguisés non seulement en agneaux, mais même en bergers ! Combien de mercenaires corrompus, qui s’illusionnent eux-mêmes, croyant pouvoir escroquer le Maître avant son retour ! Combien de traîtres cherchent à détruire l’Église précisément pour effacer la présence de Dieu et empêcher le salut des âmes !

Dans la question des deux Anges aux Disciples, il y a un avertissement : Ce Jésus, qui vous a été enlevé et est monté au ciel, ainsi il reviendra, comme vous l’avez vu aller au ciel (Actes 1, 11). Cela se réfère à la fin des temps, lorsque Notre Seigneur triomphant de la mort et du péché reviendra pour juger les vivants et les morts, pour conclure par un procès universel cette victoire sur l’ancien Serpent annoncée dans le Protévangile (Gn 3, 15), inaugurée avec l’Incarnation, accomplie avec la Passion et la Mort sur la Croix, mais encore incomplète parce qu’il manque la condamnation publique de Satan et de ses serviteurs. Une condamnation inexorable, déjà écrite, mais qui n’a pas encore été prononcée. Liber scriptus proferetur, in quo totum continetur, unde mundus judicetur, chantons-nous dans le Dies iræ. Le livre qui a été écrit, dans lequel tout est contenu, sera lu et le monde sera jugé. 

Mais quand le Fils de l’homme viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? (Lc 18, 8). Si nous regardons autour de nous, nous devrions dire oui, parce que les adversités que nous traversons permettent à beaucoup d’âmes de se convertir et de retourner à Dieu – et cette célébration en est la preuve. Mais si nous regardons le monde, il y a de quoi être horrifié, à commencer par l’apostasie, la corruption et l’immoralité dans lesquelles se trouve la Hiérarchie catholique. Beaucoup de mes Confrères et de nombreux prêtres pensent qu’il est plus facile de promouvoir une version douce du christianisme – humanitaire, écologiste et mondialiste – parce que son « édition intégrale » est considérée comme inacceptable pour la mentalité du monde. Avec une mentalité mercantile, ils croient pouvoir « rajeunir l’entrepôt » en proposant un nouveau « produit » qui répond aux goûts des clients. Des choses peu exigeantes, aussi génériques que rassurantes pour ceux qui ne veulent rien changer dans leur vie : solidarité, acceptation, inclusion, synodalité, résilience, éco-durabilité. Et surtout : pas de rappel du péché, donc pas de faute originelle, pas de Rédemption, mais seulement « marcher ensemble », vers l’abîme. La Passion et la Mort du Seigneur encombrent, elles divisent, elles ne sont pas inclusives. Ne crée pas de ponts, mais érige des murs.

Mais est-ce cela la Foi que le Seigneur a enseignée aux Apôtres pendant les trois années de ministère public et, après la Résurrection, jusqu’au moment de l’Ascension ? Est-ce pour cela qu’Il a institué les Ordres Sacrés, et tous les Sacrements ? Est-ce cela qu’Il a commandé d’enseigner à toutes les nations ? Est-ce pour cela que les Martyrs sont morts dans des tourments atroces ? Pour s’entendre dire que la mission divine de l’Église de convertir les peuples est une « énorme bêtise » ? Est-ce pour cela que les Saints Pères et les Docteurs de l’Église ont consacré leur vie à la prédication de la doctrine ? Pour écouter les discours délirants et déroutants contre ceux qui restent fidèles à la Sainte Tradition, marginalisés comme arriérés ou nostalgiques pathologiques ? Est-ce pour cela que les prêtres catholiques ont été persécutés dans l’Angleterre d’Henri VIII ou dans la France de la Terreur ? Pour voir interdite cette Messe qui est détestée des hérétiques de tous les temps ?

Les deux Anges non seulement exhortent les disciples à la tête en l’air, mais aussi chacun de nous : Ce Jésus, qui vous a été enlevé et est monté au ciel, ainsi il reviendra, comme vous l’avez vu aller au ciel (Actes 1, 11). Et quand Il reviendra, Il demandera à Ses administrateurs ce qu’ils ont fait des talents inestimables qu’Il leur a laissés dans le trésor de la Sainte Église. Rendez compte de votre intendance (Lc 16, 2). Je tremble à l’idée du Jugement de Dieu, qui a constitué en autorité le Pape et les Évêques pour qu’ils soient d’autres Christs et pour qu’ils prêchent l’Evangile à tous les peuples. Et aujourd’hui l’Eglise est infestée d’un Sanhédrin d’hypocrites, d’hérétiques et d’apostats occupé à partager avec les puissants de la terre Sa tunique sans couture. Comment ont-ils fait fructifier le patrimoine du Christ, constitué par les Sacrements et la Sainte Messe  ? En copiant la « Cène » des Protestants et interdisant le Rite apostolique ? Comment ont été multipliés les talents de la prédication et de l’apostolat, les trésors de doctrine des saints théologiens ? En promouvant l’œcuménisme iréniste et en participant de manière sacrilège au panthéon des « religions abrahamiques » d’Abou Dhabi ? en faisant adorer l’idole infernale de la Pachamama au Vatican ? en encourageant les vices et moquant les vertus ? en promouvant des Prélats indignes et persécutant les bons prêtres ? Ces bureaucrates mitrés corrompus se précipiteront pour déterrer le trésor, pensant pouvoir le rendre impunément sans l’avoir faire fructifier, quand celui-ci a été conquis avec le Sang de l’Agneau.

L’Ascension du Seigneur nous montre que c’est Sa volonté que nous coopérions à l’œuvre du salut, parce que nous sommes des membres vivants de Son Corps qui est l’Église, et en tant que tels, nous devons suivre docilement Son Chef divin. Il demande cela aux Pasteurs, à qui Il a ordonné de prêcher l’Évangile et de baptiser toutes les nations, sans laisser de malentendus sur la condamnation qui attend ceux qui ne se convertissent pas et ceux qui n’annoncent pas l’Évangile. Parce que l’autorité des Pasteurs est vicaire : elle existe précisément parce qu’elle est exercée en l’absence physique de Notre-Seigneur, unique Chef de l’Église. Ceux qui vous écoutent M’écoutent, et ceux qui vous méprisent Me méprisent (Lc 10, 16) : ce sont des paroles qui rassurent ceux qui sont méprisés par le monde parce qu’ils prêchent le Christ, mais qui doivent terroriser ceux qui sont accueillis par le monde parce qu’au nom du Christ ils prêchent un autre évangile. Et malheur à ceux qui font mépriser le Christ parce qu’avec l’autorité du Christ, ils propagent l’erreur, légitiment le péché et le vice, scandalisent avec leur propre conduite de vie.

Le Seigneur s’en va sans bruit, comme dans le silence Il est ressuscité. Seul, Il se laisse voir par les Disciples, afin que l’évidence de son Ascension au ciel soit suivie par la Foi en Sa présence sacramentelle dans la Très Sainte Eucharistie gardée par l’Église, par l’espérance de nous réunir avec Lui dans la gloire céleste et par la charité ardente à L’aimer et à aimer son prochain. Tel est l’héritage que l’Église du Christ a transmis intact depuis deux mille ans, et que personne ne peut modifier ou falsifier, se berçant d’illusions de s’en tirer : Deus non irridetur. Car quand le Seigneur reviendra, Il voudra reprendre possession des biens spirituels inestimables qu’Il a accordés en administration à ses Ministres, et pour lesquels ils devront rendre compte.

Nous tous – des plus grands aux plus petits – faisons trésor du temps qui nous reste ; de ce qui nous reste dans cette vie mortelle, avant de nous trouver devant Dieu pour le Jugement particulier ; de ce qui reste au monde et à l’Église avant la fin des temps, avant le Jugement dernier. Si ne serait-ce qu’une seule âme a été gagnée au Christ par notre prédication, par notre exemple, par nos bonnes paroles, nous pourrons montrer sereinement au Seigneur que nous avons multiplié les talents reçus et nous entendre répondre : Bien, serviteur bon et fidèle, … entre dans la joie de ton Seigneur (Mt 25, 23). Puisse ce souhait valoir avant tout pour ceux que le Seigneur a constitués en autorité dans l’Église : que telle soit l’intention des prières que nous plaçons aux pieds de la Reine des Apôtres et Mère de l’Église, la Très Sainte Vierge Marie. Ainsi soit-il.

Carlo Maria Viganò, Archevêque

18 mai 2023, Feria V in Ascensione Domini

© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò

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