Le nouvel Ordo Missae de Paul VI se retrouve au centre d‘une bataille entre le cardinal Sarah et le pape François.

Animé par son souhait de changer le visage de l’Église post-concile pas encore assez ouverte et avant-gardiste, le pape François, après avoir touché à la morale et à la discipline sacramentelle avec Amoris Laetitia, poursuit cette fois-ci ses initiatives progressistes dans le domaine liturgique.

Le 9 septembre dernier le Saint-Siège a rendu public un Motu Proprio, Magnum Principium, concernant les traduction des livres liturgiques du latin à la langue vernaculaire et entérinant le rôle plus important dévolu sur ce sujet aux conférences épiscopales de chaque pays.  Ce Motu Proprio établit, selon certains, le principe d’un droit à l’interprétation, qui est une forme extrême de l’inculturation prônée pendant et après le concile Vatican II, revendiqué par des évêques locaux et ceux qui ont travaillé sur ce texte pontifical pour promouvoir ces changements dans les critères de traduction. Le but serait ainsi de rendre la liturgie plus compréhensible aux populations locales.

Face à une telle liberté laissée aux traducteurs, le cardinal Sarah, préfet de la Congrégation pour le Culte divin, qui avait été écarté de la rédaction de ce Motu Proprio, est intervenu personnellement en publiant, le 12 octobre dernier, un « Commentaire » en exclusivité sur le site du quotidien italien La Nuova Bussola Quotidianna. Il ne s’agit pas d’un document officiel mais d’une « contribution pour la correcte compréhension de Magnum Principium ». La préoccupation du cardinal africain est que « la distinction qui est faite dans Magnum Principium entre traduction (le rendu en langue vernaculaire à partir de l’original « type » latin) et l’adaptation (un nouveau texte ajouté, un nouveau rite ou la modification d‘un rite existant) » ne devienne pas le prétexte pour absoudre toutes les dérives révolutionnaires en liturgie qui auront un impact sur la doctrine : lex orandi, lex credenti.

L’Église officielle rejoue le scénario d’Amoris laetitia ! Un texte pontifical se retrouve interprété de deux manières : restrictive ou libérale.

Le cardinal Sarah émet donc différentes clarifications pour limiter les pouvoirs des Conférences épiscopales et pour laisser à la Congrégation pour le Culte divin le soin de vérifier les traductions. L’objectif du cardinal est de maintenir une « unité » dans l’Église conciliaire dans le domaine de la liturgie tout en respectant l’autonomie des évêques de chaque pays dans l’élaboration de la liturgie locale.

Mais déjà certaines conférences se sentent déliées vis-à-vis du Saint-Siège, particulièrement celle allemande qui a déjà annoncé que toutes les dispositions antérieures à ce nouveau Motu Proprio sont caduques. Donc également celle édictée par Benoît XVI concernant le “pro multis” latin traduit par beaucoup d’épiscopats en « pour tous ». Benoît XVI avait demandé à tous les épiscopats du monde de corriger la traduction en « pour beaucoup ». Aujourd’hui la voie est libre pour toutes les innovations doctrinales au sein des traductions liturgiques, même des paroles les plus sacrées du culte catholique.

Et cette voie le pape argentin vient de la confirmer personnellement en répondant au cardinal Sarah et en lui demandant de « prévoir la divulgation de cette réponse » sur tous les sites web qui avaient fait paraître le “Commentaire” du cardinal guinéen. Le pape François fait ainsi savoir au préfet de la Congrégation pour le Culte divin, et au monde entier par médias interposés, que son interprétation du Motu Proprio Magnum Principium est rejetée : ce texte ouvre réellement la porte à une véritable « dévolution » liturgique aux Conférences épiscopales qui auront beaucoup plus de liberté qu’auparavant. Le droit à l’interprétation souhaité par les progressistes est justifié par le pontife actuel car cela favorisera selon son point de vue une plus grande harmonie entre liturgie et culture locale. Pour le pape « le Magnum Principium ne soutient plus que les traductions doivent être conformes en tous points aux normes du Liturgiam Authenticum comme cela était dans le passé ». « La tendance générale sera de parvenir à des Missels nationaux, écrit La Nuova Bussola, toujours plus différents entre eux, vers « un esprit liturgique » toujours plus désuni » au nom de l’inculturation, c’est-à-dire l’adaptation de l’annonce de l’Évangile dans une culture donnée. Mais que représente cette inculturation dans les vieilles chrétientés si ce n’est la soumission à l’esprit religieux pluraliste, relativiste et indifférentiste contemporain !

Ce Motu Proprio pousse donc vers un processus généralisé d’inculturation dans tous les diocèses et d’émancipation des Conférences épiscopales qui se voient attribuer « une authentique autorité doctrinale » (cfr. Evangelii Gaudium no. 32) à égalité avec le Saint-Siège. Ce double mouvement progressiste qui semble lancé par le pape François ne doit cependant pas nous étonner : il a été allègrement amorcé par le concile Vatican II qui a promu la collégialité, concept égalitariste démocratique,  et l’inculturation considérée comme de « l’intime transformation des authentiques valeurs culturelles par leur intégration dans le christianisme, et l’enracinement du christianisme dans les diverses cultures humaines». De même la messe Paul VI porte en elle tous ces abus liturgiques, que regrette le cardinal Sarah. Ils ont existé dès l’introduction brutale de ce rite nouveau qui « rompait de façon brutale avec la pratique liturgique et l’esprit des siècles précédents. […] Depuis 1969, ce n’est pas un nouveau rite qui est célébré dans les églises, mais une variété interminable de rites fantaisistes, chaque prêtre agrémentant à son goût une liturgie déjà humaniste et dépourvue de transcendance.1 » Le nouvel Ordo Missae de Paul VI est la cause première qui a détruit l’unité liturgique de l’Église. Le Motu Proprio bergoglien ne vient que renforcer un peu plus la désunion mais n’en est pas la source principale comme semble le croire le cardinal Sarah, qui reste attaché au concile Vatican II et à la nouvelle Messe. Sans vouloir railler ce prélat conciliaire qui essaye, il faut lui reconnaître ses efforts, de limiter les dégâts, les traductions erronées et les scandales liturgiques, il n’en est pas moins vrai que le mot célèbre de Bossuet s’accorde avec ses états d’âmes : “Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes.”

Cette bataille entre le cardinal Sarah et le pape François démontre, au final, que seul un retour à la messe tridentine œuvrera à la véritable unité de l’Église en supprimant tous ses désordres liturgiques qui éloignent les âmes de la foi catholique : lex orandi, lex credendi.

Francesca de Villasmundo

1 : La messe traditionnelle : obscurantisme moyenâgeux ou renouveau de l’Eglise ?

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