Ce lundi 16 juin, l’entreprise publique russe Gazprom annonçait par communiqué passer à un système de prépaiement pour les livraisons de gaz au groupe ukrainien Naftogaz. Concrètement, cela signifie l’arrêt de toute fourniture de gaz de la part de la Russie à l’Ukraine en absence de régularisation par celle-ci de ses factures impayées. Ce système de prépaiement instauré par Gazprom impose d’abord à la partie ukrainienne de payer au préalable pour le gaz livré au cours du mois suivant. Retour sur le litige gazier qui défraie la chronique depuis plusieurs semaines en arrière-fonds des troubles qui secouent l’Ukraine…

En 2010, la Russie accordait à l’Ukraine un rabais de 100 dollars sur le prix de 1000 m³ de gaz naturel. Cette première réduction était contractuellement liée à la prolongation du bail que la Russie payait à l’Ukraine pour la base navale de sa flotte de la mer noire à Sébastopol, en Crimée. Un deuxième rabais a été consenti par la partie russe à l’issue de négociations entre Vladimir Poutine et Viktor Ianoukovitch en décembre 2013, le prix des 1000 m³ de gaz à destination de l’Ukraine baissant ainsi jusque 268,5 dollars tandis que le reste de l’Europe importait alors du gaz russe à un prix de 382,5 dollars les 1000 m³.

La Crimée et la ville de Sébastopol étant désormais des sujets de la Fédération russe en vertu d’un référendum aux résultats incontestables, la flotte russe de la mer noire ne stationne plus en territoire étranger et l’accord liant Ukraine et Russie à ce sujet est logiquement devenu nul et non avenu avec toutes ses clauses concernant une adaptation du prix du gaz. Par ailleurs, à la suite de la destitution illégale du président Viktor Ianoukovitch, le gouvernement russe a décidé d’annuler la réduction négociée en décembre entre Moscou et Kiev. On peut aisément comprendre que le Russie ne se soit pas sentie investie de l’impérieux devoir de subventionner un pouvoir ukrainien putschiste dont la principale caractéristique est une russophobie d’une rare violence. La suppression de ce régime de faveur dont bénéficiait l’Ukraine a eu pour conséquence immédiate la fixation par Gazprom du prix d’exportation du gaz pour ce pays à 485 dollars les 1000 m³.

Parallèlement, Naftogaz n’honore plus ses factures depuis le mois de novembre 2013. Gazprom ayant malgré tout maintenu ses exportations vers l’Ukraine au niveau prévu par les contrats, Naftogaz a accumulé jusqu’à aujourd’hui une dette dépassant les quatre milliards de dollars.

Les négociations tripartites ayant eu lieu entre l’Ukraine, la Russie et le commissaire européen à l’énergie Günther Oettinger n’ont abouti à aucun résultat probant malgré les concessions de Moscou. La partie russe s’est en effet montrée ouverte à une diminution du prix de 100 dollars pour arriver à un tarif de 385 dollars pour 1000 m³ (équivalant à celui pratiqué pour le reste de l’Europe), à réviser la dette ukrainienne en prenant en compte rétroactivement cette ristourne et de ne pas appliquer le système de prépaiement en cas de remboursement avant le 26 juin de la dette accumulée par Kiev. Faisant fi de cette main tendue, le gouvernement de Iatseniouk s’est entêté à réclamer à cor et à cris une baisse jusque 268,5 dollars les 1000 m³, un tarif bien en-dessous du prix du marché.

C’est donc sans surprise que Gazprom a fini par bel et bien fermer le robinet. L’épuisement des réserves stockées sur le territoire ukrainien et le prochain hiver feront sans aucun doute revenir à la raison les ploutocrates s’étant emparés de l’Ukraine…

Baudouin Lefranc

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