Jean-Paul Bled, professeur à l’université de Paris IV-Sorbonne, est un spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie. Il est l’auteur de plusieurs biographies de référence.

Il nous offre ici le portrait d’une grande dame méconnue qui inspirera pourtant sa marque à un demi-siècle d’histoire de l’Autriche. Il s’est formé une légende noire autour de l’archiduchesse Sophie, souvent décrite comme l’horrible belle-mère de Sissi qui aurait pris un plaisir presque sadique à tourmenter l’existence de son adorable belle-fille. Dans ce domaine, il convenait pourtant bien à la mère de François-Joseph de vouloir aider Elisabeth, jeune princesse sans expérience, à entrer dans le personnage lourd à porter de l’impératrice d’Autriche, un rôle que celle-ci s’est obstinément refusé à endosser.

Mais le destin historique de Sophie de Habsbourg dépasse de loin cette relation avec Sissi où l’on voudrait souvent l’enfermer. Arrivée en 1824 à la cour de Vienne alors qu’elle n’a pas encore vingt ans, elle en devient rapidement  une figure centrale tant des dernières années du règne de François Ier que de celui de Ferdinand Ier. Temps fort de ces premières années, elle noue une relation étroite avec le duc de Reichstadt et l’accompagne jusqu’à sa mort. Mère de quatre garçons, elle prépare son aîné, le jeune François-Joseph, à monter un jour sur le trône. Face à la révolution qui éclate en 1848 et ébranle la monarchie autrichienne jusqu’à la menacer d’éclatement, elle ne connaît aucun moment de défaillance. Mieux, elle est, avec l’impératrice Marie-Anne, l’âme du parti de la résistance. Lorsque le processus de restauration du pouvoir monarchique est amorcé, son influence est essentielle dans l’abdication de Ferdinand Ier au profit de François-Joseph. Son influence ne s’arrête pas là. François-Joseph ne prend plus de décision grave sans en avoir discuté avec sa mère, qui apparaît comme un personnage clé de la décennie néo-absolutiste. Mais après le tournant de la guerre perdue de 1859, Sophie quitte  le devant de la scène. Si les effets de lâge n’y sont pas étrangers, elle ne se sent surtout pas en accord avec l’orientation nouvelle qui fait entrer l’Autriche dans l’ère constitutionnelle pour aboutir, après le désastre de Sadowa, au compromis de 1867 avec la Hongrie. Peu après, elle est frappée par la tragédie de Querétaro, l’exécution de son fils cadet Maximilien devenu empereur du Mexique par la volonté de Napoléon III.

Au cœur du commencement de la fin de l’empire des Habsbourg, en premier plan de ce basculement entre deux âges, la vie et la personnalité de cette grand figure de l’histoire méritaient bien d’être tirées de l’obscurité.

Sophie de Habsbourg, Jean-Paul Bled, éditions Perrin, 304 pages, 23 euros

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