
« L’Eglise a fait les rois, qui ont fait la nation, qui a fait la République. La France sans le christianisme n’est plus la France » (1).
Ils sont légions les lecteurs de MPI qui nous interrogent sur le dernier livre d’Eric Zemmour « La messe n’est pas dite. Pour un sursaut judéo-chrétien » (2).
Malgré les nombreuses préventions (3) que chacun peut avoir sur ce brillant écrivain devenu homme politique, nous vous proposons la lecture d’un extrait (4) de ce dernier ouvrage qui, à tout le moins, surprend et interroge.
« À partir des années 1950 et du concile Vatican II, l’Église nettoya de ses textes la moindre trace d’antijudaïsme ; ce mouvement atteignit son apothéose des décennies plus tard avec Jean-Paul II qui, comme je l’ai dit, déclara les Juifs « frères aînés dans la foi » des chrétiens.
Ces gestes et ces propos étaient pleins d’élégance morale et de douceur évangélique ; beaucoup de Juifs en surent un immense gré à Jean XXIII et à son lointain successeur polonais ; mais ils révélaient aussi un incroyable contresens historique : tout se passait comme si l’Église prenait à son compte les critiques d’une gauche anticléricale, qui n’avait jamais renoncé à son combat contre « l’Infâme » et avait mis le projet criminel des nazis sur le dos de son « enseignement du mépris » à l’égard du « peuple déicide ». On peut à la rigueur reprocher au Vatican son excessive prudence diplomatique, et à une partie des catholiques d’Europe une indifférence coupable au malheur des Juifs ; mais ses ennemis païens et nazis devaient bien rire sous cape, dans les catacombes où ils se terraient, de voir cette Église qu’ils avaient méprisée, conspuée et persécutée prendre sur elle leurs crimes et leurs péchés dont eux n’avaient même pas honte.
Ce contresens historique et idéologique explique pourquoi les Églises d’Europe, et en particulier celle de France, se portèrent, dès les années d’après-guerre, à la pointe du grand combat pour l’accueil sans condition dans les pays d’Occident d’hommes, et bientôt de femmes et d’enfants, venus de contrées lointaines. Si l’Église avait péché par insuffisance d’universalisme et de compassion, si le catholicisme européen n’avait pas été assez chrétien, il fallait qu’il en fît pénitence par un surcroît d’universalisme et de compassion, par un catholicisme toujours plus ouvert aux autres, un catholicisme qui tendait encore plus systématiquement la joue gauche à ceux qui lui frappaient la joue droite.
Cette grande transhumance des peuples du Sud vers les terres riches du Nord, qui commençait alors, fut assimilée fallacieusement à la fuite des Juifs devant les nazis, et l’on somma les peuples chrétiens de les accueillir pour se faire pardonner de n’avoir pas su alors accueillir et protéger les Juifs.
Les prélats catholiques étaient unis, main dans la main, avec les pasteurs protestants et les rabbins juifs, dans cette grande Å“uvre expiatrice et rédemptrice. Ils ont tous été les « idiots utiles », d’abord de patrons avides d’une main-d’Å“uvre à bon marché, puis, surtout, d’une extrême gauche marxiste et ensuite wokiste qui avait désigné comme son ennemi privilégié – depuis la célèbre rencontre de Bakou en 1920 entre Lénine et les dirigeants des mouvements indépendantistes des empires coloniaux britanniques et français – l’Occident blanc et capitaliste.
Lénine avait alors prophétisé : « On prendra l’Europe par l’Afrique. »
Ces deux réactions de l’Europe chrétienne à ce qu’on n’appellerait plus à partir des années 1980 que la Shoah – pour bien montrer son caractère unique et fondateur – allaient transformer l’Europe et la chrétienté au-delà de tout ce qu’on pouvait imaginer.
Le mouvement de déstabilisation vient de l’intérieur et de l’extérieur. Avec Vatican II, c’est de Rome que part la révolte. Avec Vatican II renaît la sempiternelle querelle entre Paul et Pierre, entre ceux qui veulent tout sacrifier pour l’amour du Christ et ceux qui entendent avant tout pérenniser l’autorité de l’Église dans le monde. Beaucoup de fidèles ne reconnaissent plus leur religion ; on leur a « protestantisé » leur catholicisme : le prêtre est face aux fidèles et ne leur tourne plus le dos, le latin a été remplacé par le français, les rituels sont moins fastueux, plus sobres, on ne veut plus parler aux sens, aux émotions, mais à la raison… C’est la revanche des protestants et des jansénistes sur Louis XIV qui les avait persécutés. Une contradiction bien française qui n’avait pas échappé à Maurice Barrés, dès le début du XXe siècle : « Qu’est-ce que le gallicanisme ? C’est Bossuet et Louis XIV, quant à l’administration. Pour le fond, dans sa forme religieuse, c’est le jansénisme, l’aspiration à une religion épurée, plus dénudée, plus austère… »
Même les incroyants bouffeurs de curé s’en plaignent, comme Georges Brassens qui chante : « Sans le latin, la messe nous emmerde. » Les églises se vident dans les pays comme la France, qui sont à la pointe de ce mouvement, tandis qu’en Italie, où le catholicisme traditionnel, revivifié par la Contre-Réforme du concile de Trente, a mieux tenu, les fidèles conservent un sentiment d’appartenance identitaire à leur mère l’Église.
Les paradoxes du message de l’Église romaine ont de quoi troubler le fidèle le plus averti. D’un côté, on arrache du catholicisme tout ce qui la reliait encore au judaïsme, tout ce qui l’assimilait encore vaille que vaille à l’orthopraxie talmudique, tout ce qui relève de la contrainte et de la punition, du châtiment et de la récompense, et, de l’autre, par sa voix la plus autorisée, le christianisme renoue le fil de sa filiation juive.
Pire encore : au nom de l’amour universel, devenu seul absolu, l’Occident chrétien accueille par millions des adeptes d’un dogme mahométan qui est l’expression la plus farouche et la plus ancestrale d’un monothéisme sémitique fondé sur le respect scrupuleux d’un ensemble de règles de vie, corpus juridique qui a force de loi sacrée. »
A chacun de se faire une opinion, mais à tous de prier, comme nous l’avons déjà plus fois demandé, pour la conversion de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. (5)
Joseph de Kent
(1) Phrase extraite de la quatrième page de couverture du livre
(2) Editions Fayard, collection Pensée Libre
(3) Voir sur Eric Zemmour le numéro 79 de la revue Civitas de septembre-novembre 2021 « Zemmour, salut ou arnaque ? »
(4) Pages 42 Ã 46
(5) Jacques-Bénigne Bossuet (Sermon) : « Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes »
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