Photos passées, par Thierry Marignac, La Manufacture de Livres

Voilà quelques années déjà que j’ai fait connaissance avec Thierry Marignac, à la fois journaliste, romancier, essayiste et traducteur. Au fil du temps, nous sommes devenus de vrais amis et c’est donc avec curiosité que j’ai lu son dernier ouvrage intitulé Photos passées. Nous sommes ici dans un genre bien différent de sa chronique ukrainienne La guerre avant la guerre qui l’avait conduit il y a quelques mois des studios de TVL à ceux d’André Bercoff. Cette fois, c’est d’un récit intime dont il s’agit, celui d’une blessure jamais cicatrisée, à savoir le fait de n’avoir jamais connu son père et de ne rien en savoir, hormis les traits d’une seule photo découverte tardivement, après le décès de sa mère. Si le sujet est évidemment très personnel, il résonne par contre chez beaucoup, dans une société qui, depuis quelques décennies maintenant, a fait des couples décomposés et recomposés une banalité moderne. Une banalité en ce sens qu’elle est devenue commune, mais qui laisse en chacun des concernés, au plus profond de soi, des traces indélébiles qui auront influencé le reste de leur existence. Chez Thierry Marignac, cela l’a conduit inconsciemment, à l’âge de l’adolescence, à se rebeller, claquer la porte du foyer recomposé dans lequel il vivait, et plonger dans la drogue. La descente aux enfers est rapide et sordide, menant plusieurs de ses condisciples d’infortune droit à la mort. Réfractaire à toutes les collectivités, Thierry Marignac l’est aussi à celle de la came et c’est ce qui va le sauver. Avec une rare force de volonté, il va décider de se soustraire de ces bas-fonds et va en sortir aussi vite qu’il y était entré.

Journaliste, écrivain et traducteur itinérant

Rassurez-vous, cet ouvrage n’est ni victimaire ni mélancolique. Bien au contraire, il y a quelque chose à la fois d’Hemingway et de Boris Vian dans ce récit qui nous entraîne dans les pas de Thierry Marignac à Paris, New York, Moscou, Kiev, Londres et Berlin, au gré de petits et grands événements. Il démarre dans le journalisme, à une heureuse époque où le talent comptait plus que les diplômes et où l’autodidacte pouvait facilement trouver sa place dans une rédaction s’il savait écrire autrement qu’avec ses pieds. Il fait ses premières armes comme pigiste chez Libération (mais oui !) sans aucune affinité idéologique, mais parce qu’il était facile d’y être payé pour des piges qu’il fallait produire en quantité pour pouvoir payer son loyer. Cependant, au bout d’un an ou deux, les plaisanteries de Marignac sur le PS le conduisent à prendre la porte. Qu’à cela ne tienne, il passe aussitôt chez Actuel mais n’y fait pas non plus long feu. Cependant, il se fait remarquer jusque dans l’édition, publie ses premières nouvelles aux éditions du Dernier Terrain Vague et apprend les ficelles du milieu, dont la mécanique éditoriale des contrats d’auteur et des droits. Grâce à Hervé Prudon, auteur de polars remarqués, Thierry Marignac parvient à faire éditer chez Payot son premier roman intitulé Fasciste et à rejoindre l’équipe de pigistes de Cosmopolitan hommes, ça ne s’invente pas !

C’est dans le cadre de ses activités de pigiste que Thierry Marignac fait une rencontre capitale avec Edouard Limonov, écrivain et poète russe en exil, quinze ans plus tard leader politique radical en Russie. Cela se passe en mars 1981 et ces deux hommes vont fraterniser durant 39 ans, avec des épisodes à Paris, New York et Moscou, jusqu’à la mort de Limonov en mars 2020. C’est cette amitié solide qui pousse Thierry Marignac à apprendre le russe, jusqu’à en faire l’une de ses cordes professionnelles en devenant également traducteur.

Certes, la galerie de personnages que nous fait découvrir Thierry Marignac dans ce récit autobiographique n’est pas constituée que de gens recommandables. Les gens lisses n’y ont pas leur place. Mais cela contribue au charme de cette lecture et nous permet de mieux comprendre le cheminement de cet homme authentiquement libre, que l’on pourrait, s’il fallait une étiquette, ne lui en déplaise, classer parmi les sympathiques anars de droite.

Photos passées, Thierry Marignac, La Manufacture de Livres, 332 pages, 17 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

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