Netanyahu et son discours à la nation, 25 octobre 2023
Netanyahu et son discours à la nation, 25 octobre 2023

Deux messianismes s’affrontent en Palestine : Netanyahou parle d’une lutte entre la lumière et les ténèbres et évoque Amalek. Il oppose le fondamentalisme du Hamas au messianisme juif. Outre être une guerre de territoire et une guerre de l’énergie, la dimension religieuse du conflit se dévoie au fil des semaines.

Netanyahu dans son discours à la nation : notre combat est entre l’axe du Mal et l’axe de la Liberté et du Progrès, nous sommes le peuple de la lumière, eux sont le peuple des ténèbres

« Notre combat est entre l’axe du Mal, l’Iran, le Hezbollah, le Hamas et l’axe de la Liberté et du Progrès, nous sommes le peuple de la lumière, eux sont le peuple des ténèbres et la lumière triomphera des ténèbres ».

Ainsi s’est exprimé Netanyahu dans son discours à la nation. « Vous devez vous rappeler ce qu’Amalek vous a fait, lisons-nous dans notre Sainte Bible », a-t-il poursuivi, ajoutant que la guerre actuelle fait partie d’une série de guerres menées par le peuple juif pour son existence pendant 3 000 ans.

Le passage de la Bible cité est peut-être le plus tragique du texte sacré. En colère contre Amalek pour les brutalités commises contre le peuple élu, le Seigneur envoie un message à Saül par l’intermédiaire du prophète Samuel : « Va donc frapper Amalek et détruis ce qui lui appartient, ne sois pas ému par la pitié envers lui, mais tue des hommes et femmes, enfants et nourrissons, bœufs et moutons, chameaux et ânes. »

Netanyahu a ensuite poursuivi en déclarant que les tragiques erreurs de sécurité qui ont permis l’attaque contre le Hamas feront l’objet d’une enquête et que chacun devra répondre de ce qui s’est passé, « y compris moi », a-t-il ajouté, mais que cela n’arrivera « qu’à la fin de la guerre », qu’il a la responsabilité de diriger pour emmener Israël vers une « victoire écrasante ».

Ce message de Netanyahu à la nation juive soulève des remarques et réflexions. En effet, il porte en lui une dimension messianique qu’il ne faut pas sous-estimer pour essayer de comprendre ce conflit meurtrier qui aura, immanquablement, des conséquences tragiques pour nos pays européens à la très forte immigration musulmane.

En voici un décryptage pertinent par le site italien d’analyses géopolitiques Piccole note.

Le message messianique de Netanyahu

« Trois éléments dans ce discours, estime Piccole Note. Le premier est que Netanyahu s’appuie sur ses partenaires ultra-orthodoxes et, abandonnant le pragmatisme habituel, épouse leur millénarisme. De toute évidence, il estime que c’est le seul moyen de sauver sa peau du nœud coulant que ses concitoyens lui ont déjà préparé.

« Le tweet publié ultérieurement dans lequel il explique que les renseignements et la défense ne l’avaient pas averti d’aucun danger venant de Gaza montre qu’il est terrifié par l’avenir. (…)
Un article de Ravit Hecht dans Haaretz explique que le tweet en question pourrait lui être fatal, ayant accru la méfiance à son égard de la part de plusieurs membres de son parti et des ultra-orthodoxes du Shas. S’ils l’abandonnent, un autre gouvernement pourrait émerger, qui ne serait plus ultra-orthodoxe.

«Ainsi sont les prédictions de Hecht, qui font écho à l’irritation croissante du pays envers Netanyahu, à laquelle s’ajoute le désaccord latent créé avec l’administration Biden, qui insiste sur la nécessité d’agir avec des attaques chirurgicales et non massives contre Gaza.

« Si l’on parle de l’interna corporis d’Israël, apparemment secondaire au massacre de la bande de Gaza, c’est parce que laisser la réponse aux attentats du 7 octobre être menée par un leader qui lutte pour sa survie politique et qui pourrait donc moduler la guerre en fonction de ce besoin – comme il l’a fait dans le passé – est très dangereux, tant pour les antagonistes d’Israël que pour Israël lui-même, ainsi que pour le monde (puisque nous sommes sur un thème biblique, on peut supposer que Bibi connaît également le passage concernant l’auto-immolation de Samson afin d’éliminer tous les Philistins).

« Mais la comparaison entre Amalek et Hamas n’est pas seulement le reflet des pulsions messianiques qui parcourent Israël, elle est aussi autre chose et plus inquiétante, puisqu’elle destine Gaza à l’extermination.

« (…) en ce sens, l’attaque contre Gaza n’a plus les caractéristiques d’une opération visant à éliminer une menace ou à reconstruire dissuasion, mais c’est quelque chose de complètement différent.

« Ainsi, le fondamentalisme du Hamas s’oppose à celui du messianisme juif (qui fait également l’objet de vives critiques au sein du judaïsme). Par ailleurs, même l’évocation d’une lutte entre la lumière et les ténèbres paraît quelque peu excessive. Le dicton est vrai sur ce point : trop de lumière aveugle.

Retour sur l’Axe du Mal

« Pour l’instant, c’est la guerre à Gaza. Mais il y a aussi autre chose dans les propos de Netanyahu. Rappeler l’Axe du Mal, banalisation à l’origine des interminables guerres du 11 septembre qui ont causé tant de dégâts au monde, entend revenir en arrière, replonger le monde dans ce cauchemar, en particulier pour l’identification de l’axe malin en question, qui mène du Hezbollah à l’Iran.

« Netanyahu a toujours eu une véritable obsession pour l’Iran, dont il s’est attaché à dénoncer sans relâche les démarches réelles ou présumées de Téhéran vers la bombe atomique.  (…) Ainsi commençait un article de Bradley Burston dans Haaretz en novembre 2017 : « Benjamin Netanyahu a besoin d’une guerre. Il faut que ce soit avec l’Iran. Et il en a besoin rapidement. »

« Netanyahu a besoin d’une guerre parce qu’il est désespéré et, par conséquent, une guerre pourrait répondre à deux de ses besoins les plus immédiats : premièrement, elle créerait une distraction générale et retarderait [les questions qui sont critiques pour lui] et, deuxièmement, si la guerre devait réussir, même si cela coïncide avec la fin de sa carrière, cela reste la chose que le Premier ministre souhaite le plus dans cette vie : laisser un héritage.»

« Des indices qui semblent très actuels. Plus le massacre à Gaza se prolonge, plus il dure et plus le risque est grand que d’autres acteurs entrent sur le terrain. Le chef du Hezbollah, Nasrallah, resté silencieux jusqu’à présent, a annoncé qu’il prendrait la parole vendredi prochain. Cela n’augure rien de bon.

Le risque de génocide

« Ce ne sont pas seulement les bombes qui coûtent des vies à Gaza, qui ont entre-temps fait plus de 8 000 victimes, dont plus de 3 000 enfants (une vengeance menée à son terme), mais aussi les tirs ciblés sur les hôpitaux, les rues encombrées de ruines qui empêchent des secours d’arriver à temps, le manque de nourriture, d’eau potable, de médicaments.

« « Nous mourrons dans cette guerre, nous mourrons tous, mais nous ne savons pas quand », parle ainsi un témoignage de Gaza rapporté dans un article de The Intercept qui mérite d’être lu.

«  Nous concluons en rapportant un article de Consortiumnews : « Bien que la question du génocide n’ait pas encore émergé dans la politique internationale relative à la question palestinienne, il y a désormais de bonnes raisons de s’attendre à ce qu’elle soit soulevée à la fois par les gouvernements arabes et les organisations de défense des droits de l’homme dans les prochains mois ».

« Il suffit de démontrer qu’un État a « l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux », chose qui est en train de se passer et « le fait qu’il veut imposer délibérément au groupe des conditions de vie destinées à provoquer sa destruction physique totale ou partielle ». La guerre imposée à la population de Gaza par Israël relève évidemment de ces deux dispositions cruciales de la convention. Les Américains seront complices de ce génocide », conclut Consortiumnews.

Cela peut paraître extrême à certains lecteurs, mais si Gaza risque d’être rasée avec ses habitants, Israël s’expose à un stigmate qui le hantera pendant des années. La Nabka ne choqua que les Arabes, ce qui se passe à Gaza se déroule sous le feu des projecteurs de l’opinion publique internationale. Obscurcir les communications ne suffira pas à le cacher.

Mettre un terme au massacre n’est pas seulement une question humanitaire, même si elle est fondamentale, mais c’est aussi dans l’intérêt du monde et d’Israël lui-même, comme le sait bien aussi la sphère la plus lucide du judaïsme, en Israël et ailleurs. »

Francesca de Villasmundo

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