Allocution du Professeur Franck Bouscau

Franck BOUSCAU
Professeur Agrégé des Facultés de Droit.
Avocat honoraire à la Cour de Paris.
Maître en Droit Canonique.

Monseigneur RIBADEAU-DUMAS
Recteur de Notre-Dame de Paris.

Monseigneur.

Je suis le responsable parisien de Civitas et je viens à ce titre vous dire mon indignation devant les propos que vous avez tenus à la télévision (France Info, 15 Août 2023, 8h30). En effet à cette occasion j’estime que vous avez péché par légèreté, calomnié des Chrétiens et attaqué leur réputation et finalement dispensé une doctrine erronée.

Je m’explique :

Vous avez fait preuve d’une légèreté coupable en acceptant sans aucune vérification des affirmations de la télévision (l’on sait que les médias sont menteurs depuis longtemps, en particulier depuis la crise sanitaire). La télévision vous a dit que notre mouvement avait tenu un propos antisémite et que c’est sur cette base que le ministre de l’Intérieur en engageait la dissolution. Il est pourtant évident que transformer un propos tenu par une personne, serait-il éventuellement condamnable, en argument de dissolution administrative de tout un parti politique constitue une manipulation.

D’après l’émission, il semble que, vous ayez tenu les dires des journalistes pour des faits avérés sans avoir une connaissance précise du propos incriminé. En l’espèce, il s’agit de quelques mots dits lors d’une réunion privée par un invité, et non un responsable, de Civitas. Cet invité, Monsieur Pierre Hillard, géopoliticien et essayiste connu, donnait une conférence sur le naturalisme. Monsieur Hillard a seulement évoqué incidemment le rapport entre citoyenneté et religion avant et après la Révolution, et les conséquences des différentes conceptions sur l’immigration. Son propos a été isolé de son contexte et dénaturé par la meute médiatique, toujours prête à se muer en tribunal du politiquement correct. Au passage j’observe que vous semblez, comme les médias, ignorer la présomption d’innocence et vous soucier comme d’une guigne du maintien des libertés d’opinion et d’expression.

Vous avez ensuite gravement calomnié des Chrétiens et attaqué la réputation du prochain lorsque vous avez dit que Civitas n’avait rien à voir avec l’Eglise. Civitas est un parti politique qui agit donc dans la sphère du temporel. Mais ce parti politique a pour doctrine de base le catholicisme auquel il se réfère expressément, y compris dans les manifestations publiques (chapelet, prières publiques, défilés, messes en plein air) ce que vous semblez ignorer ou mépriser.

Le désaccord entre vous et Civitas vient sans doute du fait qu’il s’agit d’un mouvement catholique traditionaliste. Cela ne vous autorise pas à jouer les inquisiteurs et à l’excommunier de votre autorité personnelle. Civitas professe en totalité le Credo catholique tel que nos pères l’ont professé depuis des siècles. Ses divergences avec « l’Église conciliaire », comme elle aime parfois à s’appeler elle-même, portent sur le plan liturgique (mais je rappelle que le pape Benoît XVI a dit que la messe tridentine n’avait jamais été abrogée et ne pouvait l’être) et sur la pastorale (discipline variable et qui ne touche pas au dogme). Et le pape François, interrogé à ce sujet au début de son pontificat, a affirmé de la manière la plus nette que les traditionalistes étaient des catholiques. En conséquence leur dénier cette qualité revient à les injurier et à nuire à leur réputation par une odieuse calomnie.

Enfin j’affirme que vous distillez une doctrine erronée lorsque vous justifiez le projet de dissolution du ministre – dont vous ne souhaitez pas commenter l’action – en vous contentant d’alléguer l’ordre public. La prudence, qui est une vertu, aurais dû vous inciter à nuancer votre propos. Certes, l’Eglise enseigne l’obéissance aux gouvernements légitimes (et il y aurait beaucoup à dire à ce sujet à propos de la République usurpatrice, car issue de la Révolution et s’en réclamant). Même en admettant cette obéissance de principe, elle n’enlèverait pas le droit et le devoir de critiquer telle ou telle décision injuste. Vous accordez un a priori favorable au ministre sans considérer que la vigilance s’impose vis-à-vis d’un gouvernement qui sacralise le prétendu droit au blasphème, favorise l’avortement et l’euthanasie et célèbre le prétendu « mariage pour tous ». L’idée d’obéir sans nuance à un tel gouvernement transforme les chrétiens en complices aveugles d’une République maçonnique laïcarde et pratiquement athée. La règle chrétienne rappelée par les Actes des Apôtres est pourtant qu’il vaut mieux obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, ce qui implique au minimum de considérer que le pouvoir civil n’a pas automatiquement raison et qu’il faut examiner avant d’approuver ses actes. Surabondamment Civitas n’a aucunement troublé l’ordre public dans cette affaire, et vous auriez dû vérifier les circonstances au lieu de tirer des conclusions hâtives.

Enfin j’observe que votre propos ne comporte aucun aspect de la mansuétude que l’on pense pouvoir attendre d’un prélat. Si les amis de Civitas sont des pécheurs avérés, ne devriez vous pas tenter de les éclairer plutôt que de vous joindre aux censeurs du politiquement correct ? Je ne crois pas que Notre Seigneur se serait déchargé sur M. Darmanin, ou sur Hérode, ou même sur Pilate, du soin de l’annonce de son Royaume…

Si j’avais écrit cette lettre à un politicien, j’aurais sans doute conclu sévèrement en attirant son attention sur les répercussions fâcheuses sur sa carrière que pouvait avoir son attitude. Mais, s’agissant d’un ecclésiastique, je préfère vous demander de peser mes objections devant le crucifix comme je l‘ai fait moi-même, et de songer que notre controverse sera un jour tranchée par un Juge plus puissant et plus juste que le ministre de l’Intérieur…

Veuillez agréer, Monseigneur, l’expression de ma religieuse considération.

Franck Bouscau

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