Habemus Papam ? Pape hérétique, Renonciacion, Sede vacante

Habemus Papam ? Le récent essai du Professeur Massimo Viglione pose une question qui, il y a seulement onze ans, était improposable et impensable pour le Catholique moyen et peut-être même pour un canoniste, puisque les erreurs et les déviations de Vatican II ne s’étaient pas encore manifestées dans toute leur évidence explosive, venant à être affirmées ore rotundo par celui qui aurait dû les condamner. Pensons à Amoris Lætitia, à la décision par laquelle la doctrine sur la peine capitale a été modifiée, ou à la dernière, scandaleuse déclaration de Fiducia Supplicans, contestée par des Conférences épiscopales entières. Je veux dire par là que le récent « réveil » de nombreux Catholiques – parmi lesquels je ne peux manquer de m’inclure, dans mon chemin du retour à la Tradition de ces dernières années – nous permet de comprendre même intuitivement, à travers le sensus fidei, que nous n’aurions jamais pu voir une Basilique romaine profanée par une messe simulée par un faux « évêque » anglican sans l’étreinte de Montini avec le non moins hérétique patriarche Athénagoras ou sans les rencontres d’Assise et les visites aux synagogues de Wojtyla et Ratzinger ; et que si aujourd’hui Bergoglio prépare l’accès au sacerdoce pour les femmes, c’est à cause de l’altération des Ordres Sacrés commencée par Paul VI avec la suppression téméraire des Ordres Mineurs et du Sous-diaconat, selon une clé œcuménique philo-protestante.

À mon avis, le mérite indiscutable de ce travail du Professeur Viglione, n’est pas seulement le fait qu’il a su énumérer de manière concise et claire les différentes thèses concernant la réponse catholique à l’hérésie manifeste du Souverain Pontife et à la question de la Renonciation de Benoît XVI, mais aussi et surtout d’avoir enfin posé la question cruciale : Avons-nous un Pape ?

Car c’est cette question, précisément dans ses terribles implications, que personne n’a jusqu’à présent osé poser au grand public, limitant cette question à des spéculations académiques ou à des réalités ecclésiales marginales. Telle est la question que se pose courageusement l’Auteur d’un essai, dont je ne peux que recommander vivement une lecture attentive.

Il s’agit d’un livre ‘‘qui provoquera la discussion’’, parce qu’il rend compréhensible un débat jusqu’ici confiné aux dissertations académiques de (quelques) critiques du présent « pontificat » ou diffusés par des personnalités qui ont instrumentalisé et polarisé le débat afin de gagner en visibilité. Le mérite du Prof. Viglione est d’avoir remis la question sur les rails d’un sain réalisme, sine ira et studio, et de l’avoir rendue compréhensible en analysant les différentes positions non plus sur la simple hypothèse d’un Pape hérétique, mais sur la douloureuse évidence de l’hérésie de Jorge Mario Bergoglio et sur les réponses avancées jusqu’à présent.

L’Auteur ne se limite pas à la simple énumération de thèses, mais montre les aspects critiques de certaines d’entre elles et la plausibilité des autres : parmi ces dernières, celle que j’ai formulée sur le vice de consentement qui rendrait nulle et non avenue l’acceptation de la Papauté par Bergoglio en raison d’une volonté perverse délibérée de se l’approprier pour l’utiliser d’une manière contraire aux fins que lui a donné Notre Seigneur, le divin Fondateur. Une autre thèse de grande valeur – et pour cette raison abordée à juste titre par l’Auteur – est celle du Professeur Enrico Maria Radaelli, relative à l’anomalie de la Renonciation et à l’invention de la Papauté émérite. Je partage la conviction de Viglione quant à la pertinence et à la rigueur de cette analyse, surtout si l’on l’intègre au vitium consensus du successeur de Benoît XVI, tel que suggéré par Radaelli lui-même, et si on la lit à la lumière de l’hégélianisme dialectique de Ratzinger.

Le Professeur Viglione n’a pas l’intention d’apporter des réponses définitives, mais avant tout de faire en sorte que la question soit abordée et discutée, car ce n’est que par une prise de conscience honnête du « problème Bergoglio » que nous pouvons approfondir la doctrine sur la Papauté dans ces aspects que les Docteurs de l’Église et les canonistes du passé ont conçus comme une éventualité lointaine, tandis que pour les Catholiques otages de « l’Église synodale » se sont révélés bien réels.

Dans la liste des thèses sur la vacance du Siège apostolique, on ne pouvait manquer de mentionner les élucubrations « fantacanoniques » du Codex Ratzinger par Andrea Cionci et ses adeptes. Le lecteur n’ignorera pas l’inconsistance de la fantômatique théorie de la sede impedita, qui constitue une fausse prémisse qui invalide l’ensemble du raisonnement, tout en jetant des ombres inquiétantes sur l’honnêteté et la justesse de l’action de Benoît XVI. Croire qu’il ait pu lancer des messages énigmatiques adressés à un petit cercle d’initiés, en fondant cette conviction sur des faits tout à fait discutables et circonstanciels – une conviction qui a été érigée comme une preuve irréfutable et imposée de manière obsessionnelle comme une vérité dogmatique – relègue les spéculations de Cionci & Co. au genre fantasy emprunté à Dan Brown.

Certes, le « pontificat » de Jorge Mario Bergoglio est un ἅπαξ, un cas unique dans toute l’Histoire bimillénaire de l’Église.

A la fois pour la façon dont le Jésuite Argentin a accédé au Trône de Pierre, et pour la complicité flagrante de l’église profonde dans ce plan subversif, et enfin pour le parallélisme entre l’action de Bergoglio au sein de l’Église – en tant que représentant de premier plan de l’église profonde – par rapport à celle de l’État profond dans les nations occidentales. Mais cet unicum est le fruit empoisonné d’une maladie dont les racines idéologiques se trouvent dans le néo-modernisme de Vatican II, qui a réussi à combiner la dévolution de l’autorité sacrée du Pontife Romain à des organes d’assemblée de matrice « démocratique » avec la transformation progressive du Pape en tyran divinis legibus solutus. Si, en effet, une institution sépare l’exercice du pouvoir de la nécessaire subordination à l’autorité du Christ Roi et Pontife, qui en est le Garant suprême, elle perd toute sa légitimité et ne peut que devenir, comme cela s’est déjà produit dans le domaine civil, l’expression de lobbies et d’intérêts sans aucun frein. Le paradoxe – et la ruse luciférienne – de ce coup d’État ecclésial a consisté à maintenir les apparences de la Papauté dans le seul but de pouvoir exiger l’obéissance de ceux qui croient encore que celui qui est assis sur le Trône de Pierre est le Vicaire du Christ choisi par l’Esprit Saint, alors qu’en réalité il est un mercenaire qui abuse de la confiance et du respect des fidèles pour les disperser. Le même phénomène se produit dans les gouvernements temporels, où les dirigeants revendiquent un pouvoir illimité – jusqu’à l’extermination – sur leurs citoyens illusionnés que ceux qui les représentent dans les Parlements ont pour but le bien commun. Et ce n’est pas une coïncidence si cette « dictature démocratique » n’a été possible qu’après qu’ait été écartée la Seigneurie de Notre-Seigneur sur les nations.

Ce qui donne encore l’espoir d’un réveil des consciences, c’est que les réactions de laïcs, prêtres, évêques et même d’une partie du monde profane face à la vexata quæstio ne sont pas celles de scandale ou d’étonnement, mais de la prise de conscience totale du « problème Bergoglio ».

Le Professeur Viglione souligne également la contradiction de ceux qui, d’une part, reconnaissent et dénoncent les déviations du Jésuite Argentin, mais qui, d’autre part, ne croient pas que cela ait une conséquence sur sa reconnaissance comme Pape, se limitant à considérer comme « non magistérielles » ses interventions auxquelles l’obéissance n’est pas due. Il est à espérer que l’élargissement de l’auditoire des Catholiques informés sur le sujet permettra de clarifier les positions les plus incohérentes de la « défense d’office » qui risque de se transformer en ouverte complicité. Ce qui est reconnu presque unanimement par les Catholiques, c’est l’anomalie de l’actuelle « papauté » : une anomalie dont les progressistes s’enthousiasment et que les conservateurs et les traditionalistes considèrent comme inouïe et scandaleuse, mais dont tout le monde est conscient, depuis le professeur de l’athénée romain jusqu’au simple baptisé.

Les réponses à cette anomalie représentent la tentative de trouver une solution à la crise que nous traversons, unique en son genre et qui, je le répète, ne peut être jugée selon les paramètres ordinaires d’un système juridique conçu pour des conditions de relative normalité.

Nous sommes en effet face à une trahison qui concerne non seulement certains secteurs de l’institution, mais tous ses organes, à commencer par le haut :

une trahison qui a commencé il y a soixante ans, avec l’abdication de la Hiérarchie de son devoir de prêcher l’Évangile du Christ contre l’anti-Évangile du monde : une trahison réalisée avec la destruction de la Messe et de la Liturgie, précisément parce que les subversifs connaissent bien le pouvoir pédagogique des rites et des gestes dans la transmission de la Foi. Et de même que dans les écoles, l’idéologie woke est imposée par la cancel culture, de même dans les églises, des générations entières ont été endoctrinées par l’œcuménisme, dans le mépris de leur passé et l’acceptation d’instances incompatibles avec le Magistère Catholique. Et tout cela, scandaleusement, avec la ratification de l’autorité, voire même sous sa pression délibérée, tant dans le domaine civil qu’ecclésial.

La question que nous devons donc nous poser n’est pas seulement Habemusne Papam ?, mais comment a-t-il été possible d’assister en silence à l’infiltration systématique dans l’Église d’hérétiques et de personnes corrompues, dont les idées et les desseins étaient largement connus ; et quelle est la responsabilité de la Hiérarchie – à commencer par les « Papes du Concile », sans exception – dans cette substitution absurde et  subversive était évident dès le début et qu’il y avait encore le moyen d’y remédier.

L’action récente de Jorge Mario Bergoglio s’inscrit parfaitement dans le travail d’érosion doctrinale, morale, disciplinaire et liturgique mené depuis le pontificat de Jean XXIII et jamais interrompu, même face à l’hémorragie qui a vidé les églises, les séminaires, les couvents et les écoles catholiques. Au contraire, on pourrait penser que l’absence d’intervention face à cet échec patent est une confirmation de la préméditation et de la malveillance de la part de ceux qui n’ont jamais eu l’humilité de remettre en cause leurs certitudes fallacieuses. Ici aussi, le parallèle avec l’État profond est évident, parce que dans les deux cas, les objectifs déclarés (favoriser le dialogue de l’Église avec le monde moderne ou rendre la liturgie compréhensible pour les fidèles, d’une part ; contenir une pandémie mortelle ou faire face au changement climatique, d’autre part, pour ne citer que deux exemples) sont des mensonges qui servent à détourner l’attention de l’objectif réel qui est criminel et inavouable.

Si la dissolution de l’État est évidente dans la trahison des dirigeants et leur soumission au lobby mondialiste afin de réduire la population mondiale et d’asservir la population restante, la dissolution de l’Église – dans sa composante humaine, bien sûr – n’est pas moins évidente dans la trahison de la majorité de la Hiérarchie catholique, également soumise aux mêmes maîtres afin d’éliminer ce κατέχων (2 Thess 2, 6) qui empêche le « mystère d’iniquité » de se manifester. Comme je l’ai déjà rappelé, nous ne sommes pas dans une Église dont la Hiérarchie est Catholique et où il y a un Pape qui professe une hérésie, mais qui, en même temps, a sincèrement l’intention de paître le Troupeau du Seigneur, mais dans une Église éclipsée par un coup d’État, dans laquelle chaque Dicastère, chaque Athénée, chaque Séminaire, chaque Diocèse, chaque paroisse, chaque couvent est dirigé et géré par l’église profonde, dans l’ostracisme et la persécution ouverts vis-à-vis de quiconque n’est pas d’accord, y compris ceux qui se limite au seul Magistère récent sans remettre en question le Concile.

Nous en avons la confirmation par la totale auto-référentialité du soi-disant « magistère » de Bergoglio, comme l’a réitéré avec enthousiasme le Préfet Tucho.

Il suffit de faire défiler les références aux sources dans les documents « pontificaux » pour comprendre que l’enseignement bergoglien est en effet délibérément « nouveau » par rapport à celui de ses prédécesseurs immédiats, mais seulement dans les modalités de « forçage », puisque les principes auxquels Bergoglio se réfère constamment sont exactement les mêmes que ceux des papes conciliaires. On pourrait dire, pour simplifier, que Bergoglio est au Jacobin Robespierre ce que Ratzinger est au Girondin Brissot, tous deux pourtant partisans de la Révolution.

Habemus Papam ? Pape hérétique, Renonciacion, Sede vacante, constitue une contribution précieuse à la compréhension d’un phénomène aujourd’hui indéniable, conçue non pas comme un procès académique stérile, mais par amour pour l’Église et la Papauté, aujourd’hui humiliées et discréditées par une Hiérarchie asservie au monde, insouciante de la perte de tant d’âmes pour lesquelles le Seigneur a versé son Sang. Que le même amour pour l’Église et pour la Papauté guide donc sa lecture.

+ Carlo Maria Viganò, Archevêque

5 février 2024, Agathæ Virginis et Martyris 

© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI  relue et corrigée par Mgr Viganò

Fabien Laurent

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